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  • En Afrique, la course aux «métaux critiques» est lancée
    Jul 8 2024

    Cuivre, cobalt, manganèse... la demande en minéraux essentiels pour la transition énergétique et la fabrication de batteries électriques devrait être multipliée par six d'ici à 2040. De nombreux pays d'Afrique, dont les sous-sols recèlent de ces métaux, ont accéléré leurs travaux d'exploration tout en envisageant une transformation de ces produits bruts sur le continent.

    En Algérie, des indices de cobalt, nickel, ou encore lithium ont été repérés, le pays pourrait être un important pourvoyeur de ces métaux, notamment pour l'Europe qui cherche à diversifier ses approvisionnements. « L'Algérie doit inscrire sa stratégie par rapport à un contexte national et international vorace de ces minéraux critique, assure Nadjiba Bourenane, directrice générale des Mines au ministère algérien de l'Énergie et des Mines, à l'état actuel, nous avons des indices pour ces minéraux-là et nous devons réaliser beaucoup de travaux de prospection et d'exploration pour confirmer leur existence et surtout leur économicité. »

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    Manque d’eau et d’infrastructures

    Plus de la moitié des projets dans les métaux critiques en Afrique sont concentrés dans trois pays : l'Afrique du Sud, la RDC et la Zambie. L'Algérie cherche à se faire une place. Un obstacle tout de même : sans usine de transformation sur son sol, la perte de revenus est considérable. « Si l'Afrique a un potentiel, il doit être valorisé et transformé au niveau des pays respectifs africains. Il faut créer des partenariats avec l'Europe qui demande justement ces substances, argumente Nadjiba Bourenane, si nous ne préparons pas toutes les ressources nécessaires, comme l'énergie, l'eau, les infrastructures, le transport... Sans ça, nous ne pouvons pas avancer. »

    Emplois et retombées fiscales à la clé

    L’interdiction d'exporter des minerais non transformés a été généralisée dans les codes miniers. C’est le cas du lithium ghanéen et zimbabwéen... mais faute d'énergie, faute d'infrastructures, l'application de ces interdictions est à géométrie variable. « La RDC, au début de ce siècle, a imposé, en imitant les autres pays africains, l'interdiction d'exporter des minerais non transformés. Or, elle n'avait pas assez d'électricité pour qu'on crée des usines pour les transformer, explique Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri), donc là, il y avait une contradiction évidente. Et c'est pour ça que pendant longtemps, au moins une décennie, cette disposition du Code minier en RDC n'était pas appliquée. »

    La transformation sur place permet de créer de l'emploi direct et indirect. Mais ce sont aussi des retombées fiscales pour un pays et la possibilité de conserver une part importante de la chaîne de valeur du minerai. Les différents ministres des Mines africains réunis la semaine dernière au sommet Mining on Top Africa à Paris étaient d'accord entre eux : les pays d’Afrique doivent jouer collectif et mieux mutualiser les infrastructures de transformation.

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  • Côte d'Ivoire: les champs de café délaissés, vers une pénurie du robusta?
    Jul 7 2024

    En Côte d’Ivoire, la production de café a chuté de 61,6% entre les neuf premiers mois de 2022 et les neuf premiers mois de 2023, selon la Direction des prévisions, des politiques et des statistiques économiques (DPPSE). En raison des prix bas ces dernières années, mais aussi de la hausse du coût de la main d’œuvre, la culture du café est délaissée par de nombreux agriculteurs.

    De notre envoyé spécial dans la région de Tiassalé,

    Conditions climatiques défavorables, travaux de désherbage éreintants, prix bord-champ trop faibles… Adro Kouassi Nestor, cultivateur ivoirien, dresse la longue liste des raisons pour lesquelles il délaisse peu à peu ses caféiers : « C’est le prix que le Conseil café-cacao fixe pour le cacao et le café, c’est aussi la main-d’œuvre qui se fait rare. Et c’est ça qui fait chuter la production du café. Parce que travailler dans les champs de café est très intense, surtout pendant la récolte. » Il poursuit : « Et si tu n’as pas la main d’œuvre, tu ne peux pas y arriver. Et puis le prix n’est pas encourageant. Donc, ça fait que le café est délaissé au profit des autres cultures, comme le cacao et l’hévéa. »

    Le cultivateur parcourt son champ de 50 mètres carrés, les cerises de café sont mûres. Mais il peine à trouver des travailleurs agricoles pour le ramasser. Les fourmis rouges dérangent les cueilleurs, une cueillette longue et minutieuse qui doit se faire en plusieurs étapes. « Vous passez pied par pied pour cueillir. Il faut prendre celles qui sont bien mûres et puis revenir, explique-t-il. Donc, c’est tout un tas de problèmes. »

    Des champs de café délaissés qui pourraient provoquer une pénurie de robusta

    Des contraintes et beaucoup de temps à passer qui le démotivent et l’amènent parfois à ne même pas ramasser sa récolte. « À mon niveau, j’accorde moins d’importance au café. J’ai fait un champ. Quand ça mûrit et que je ne trouve pas quelqu’un pour cueillir, vu le temps que ça va me prendre [pour ramasser] et le prix que les gens vont payer, je préfère le laisser », conclut Adro Kouassi Nestor. Ceci malgré un léger rebond du prix bord-champ fixé par l’État à 900 francs CFA le kilo pour la campagne 2023-2024, contre 700 francs CFA l’année précédente.

    Etienne Papou est cultivateur de café et expert en certification du cacao. Lui note les effets du changement climatique sur les récoltes. « C’est vrai que ces dernières années, le prix du café a considérablement augmenté, mais certains producteurs avaient déjà abattu les pieds de café pour les remplacer soit par de l’hévéa, soit par du palmier, soit aussi par du cacao. Les quelques-uns qui ont gardé des plants de café les ont abandonnés et sont devenus des friches », met-il en avant.

    La Côte d’Ivoire produit quasi exclusivement du robusta, entre 50 et 100 000 tonnes par an, trois fois moins que dans les années 1970. Au niveau mondial, la production de robusta est également en baisse. Le dérèglement climatique menace directement l’industrie du café, les experts s’attendent même à une pénurie de robusta dans les années 2040.

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  • Au Gabon, une situation économique «alarmante», selon un rapport du FMI
    Jul 4 2024

    Depuis 2022, c’est le premier rapport du Fonds monétaire international (FMI) pour le Gabon, qui avait volontairement suspendu l’application de son accord avec l'institution pour la période 2021-2024. Le rapport a étudié l’évolution des performances économiques du Gabon des années 1970, 1980 jusqu’à aujourd’hui. Et la situation est mauvaise.

    Selon le rapport du FMI, le Gabon reste un pays à revenus intermédiaires, mais ses populations s’enfoncent dans la pauvreté. « On s'est rendu compte qu’il y a eu un recul du niveau de revenu. Pour vous donner un exemple, au Gabon, si un habitant en moyenne gagnait 100 000 francs CFA en 1990, aujourd'hui, ce même habitant gagne à peine 80 000 francs CFA, détaille Gomez Agou, représentant du FMI, ce recul du revenu s'est accompagné de deux éléments importants au Gabon : l'accroissement du chômage et l'accroissement de la pauvreté. Le chômage, aujourd'hui, est autour de 35 à 40% au sein de la population en âge de travailler. Et la pauvreté, c'est un Gabonais sur trois qui est pauvre ».

    La dette va grossir

    Autre indicateur négatif, le taux d’endettement qui dépasse le seuil de 70% du PIB fixé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac). « Nous avons donc regardé la situation de la dette du Gabon qui, aujourd'hui, se situe en 2023 à 70,5% du PIB. Donc c'est un taux d'endettement très important. » Selon Gomez Agou, la situation pourrait empirer : « Si le rythme d'endettement avant le 30 août 2023 se poursuit dans les années à venir, la dette du Gabon pourrait atteindre, dans 4 ans ou 5 ans, 100% du PIB ».

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    Pour corriger cette situation, le FMI formule plusieurs recommandations, il demande notamment plus de transparence dans la gestion des ressources pétrolières et minières. « C'est l'heure de rétablir toute la transparence, poursuit Gomez Agou, il faut publier, par exemple, les contrats de pétrole et les contrats miniers. Il faut s'assurer qu'il y a un audit du secteur, collecter l'impôt et les droits de douane et réduire le rythme de dépenses de l'État ».

    Volonté de maitrise des déficits

    Lors d’une cérémonie conjointe avec le FMI, le ministre de l’Économie, Mays Mouissi, a fourni quelques explications : « Nous continuons notre stratégie avec la volonté de faire en sorte que notre pays maîtrise ses déficits, maîtrise l'inflation et maîtrise son endettement. » Le ministre de l’Économie poursuit : « Ce que le FMI demande, c'est d'être déjà plus transparent sur les recettes pétrolières et minières. C'est la raison pour laquelle il y a toute une réflexion sur le volet contractuel, pour voir comment nous pouvons rendre publics les contrats liés à ce domaine ».

    Le FMI félicite le gouvernement de transition pour avoir volontairement mis à sa disposition, en toute transparence, la documentation nécessaire à l'élaboration de ce rapport. Il souhaite que Libreville s'active à appliquer ses recommandations.

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  • En Côte d'Ivoire, transformer les mangues pour valoriser la filière
    Jul 3 2024

    La saison de la commercialisation de la mangue touche à sa fin en Côte d’Ivoire, pays qui produit près de 150 000 tonnes de mangues fraîches. Pour valoriser la filière et réduire les pertes des producteurs, la transformation du fruit est une opportunité. Mais malgré les potentiels, cette option est encore limitée et peu exploitée.

    De notre envoyée spéciale à Ferkessédougou,

    Dans une petite usine située dans un quartier périphérique de Ouangolodougou, 20 tonnes de mangues fraîches sont acheminées chaque jour en pleine saison sur des tricycles par des producteurs de la région. Les mangues sont triées, lavées, puis traitées afin de répondre aux exigences sanitaires des clients.

    « On enlève les déchets, tout ce qui n’est pas bien. Il y a la longueur et l’exigence du client qui demande "Je veux telle ou telle taille", explique Sita Coulibaly qui supervise la salle de calibrage. Donc, on trie par rapport à ça. Et après le tri, on met dans les sachets, on pèse et on les place dans des cartons. Et on envoie ça chez le client. »

    Cette petite usine mise sur l’exportation vers le Ghana, puis l’Europe dans un second temps. Car selon Bazoumana Ouattara, le directeur de l’Usine de séchage de mangues de Ouangolodougou, le marché intérieur n’est pas encore réceptif à ce produit. « En Côte d’Ivoire, il n’y a pas de marché, explique-t-il. Les Ivoiriens ne connaissent pas la mangue séchée. Les supermarchés non plus. Mes clients sont au Ghana, HPW. On a un client qui est fidèle et, quelle que soit la situation, c’est seulement la commande qui va varier. L’année où la production est bonne, ils ont une grande quantité. Et lorsque c’est faible, la quantité devient mince à leur niveau. »

    Industrialiser et diversifier

    Pour cet entrepreneur, l’une des difficultés est la maintenance des machines qui, pour l’essentiel, sont importées. « Lorsqu’une pièce s’abîme, il n’y a pas le remplacement ici, regrette Bazouma Ouattara. On ne peut pas l’acheter ici : on n’a pas de magasin de vente de pièces en Côte d’Ivoire. Il nous faut appeler en Afrique du Sud, et la pièce arrive par DHL. Donc, c’est compliqué. »

    La période de commercialisation est courte : elle dure trois mois. Pas évident donc d’investir dans le conditionnement des mangues. Pour contourner cet obstacle, René Yéo, le directeur de l’usine Ivoire Bio fruits, a décidé de diversifier ses activités au sein de son usine.

    « Il faut à la fois plusieurs machines qui puissent avoir une grande capacité, en moins de trois mois, pour pouvoir rentrer dans ses fonds, calcule-t-il. Au niveau d’Ivoire bio fruits, on a envisagé de diversifier notre système de transformation en l’élargissant à d’autres fruits tropicaux comme la noix de coco et l’ananas. » Ce responsable de la profession inter-mangues préconise par ailleurs un soutien de l’État aux privés afin de développer davantage l’industrialisation de cette filière.

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  • Centrafrique: prometteur, le commerce des mangues reste encore très artisanal
    Jul 2 2024

    En Centrafrique, la saison des pluies rime avec saison des mangues. Cette période qui va généralement de mars à juin, est une aubaine pour les Centrafricains qui possèdent cet arbre fruitier. Le commerce de ces fruits permet d’alimenter ménages et petits commerces.

    Dans ce champ de 20 hectares à proximité de Bangui, se trouvent sept manguiers. Des mangues mûres pendent à toutes les branches. En Centrafrique, pas de grandes plantations, mais quelques arbres ici et là. « Chaque ménage possède au moins un ou deux manguiers dans sa concession, explique Armand Koulayom, propriétaire et entrepreneur. Il profite du bénéfice de ses mangues en les revendant à un grossiste. Pendant la saison, les mangues sont abondantes et les prix sont abordables », détaille-t-il.

    À quelques pas de ce champ, au bord de la route, les mangues sont vendues dans des cuvettes, des bassines, des sacs ou étalées sur des tables pour attirer les clients. Les prix varient selon les variétés et leur grosseur. « Je vends un tas de cinq mangues à 50 francs CFA, affirme Juvenal qui vend sa production. Tous les jours, les revendeuses viennent acheter mes mangues dans des sacs et des cuvettes. Il y a plusieurs modèles de sacs et chez moi, les prix par sac varient de 5 000 à 7 000 FCFA. »

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    De forts potentiels

    En Centrafrique, la cueillette se fait de manière artisanale. Certains utilisent des bâtons en bambous, d'autres préfèrent grimper directement dans l’arbre. Julienne, une commerçante, profite de cette période pour développer d'autres affaires. « Chaque jour, je gagne entre 4 000 et 4 500 FCFA. En 12 jours, je m'en sors avec 50 000 ou 55 000 FCFA. Cet argent me permet de couvrir les besoins de ma famille sur tous les plans. Je fais aussi de l'épargne qui me permettra de me lancer dans un autre commerce durable après la saison des mangues », précise la vendeuse.

    Mais à Bangui, il se pose un problème de conditionnement. Il y a peu de chambres froides pour conserver les fruits et il n’existe pas d’entreprises de transformation. Armand Koulayom estime que ce secteur est plein de potentiels. « Pour booster ce secteur, il faut vraiment avoir une vision. C'est un secteur qui peut générer beaucoup d'argent. Si les entrepreneurs arrivent à créer des entreprises de transformation de mangues, ce serait très bénéfique et on pourrait même transformer les mangues en jus ou en confitures sur place, projette-t-il. Si les mangues sont transformées en grande quantité, on pourrait les exporter dans la sous-région pour développer notre économie et développer notre pays. »

    Ce secteur encore très informel et limité représente cependant aujourd’hui une source de revenus importante pour de nombreux ménages.

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  • Est de la RDC: l'Ituri, isolée et enclavée, est obligée d'importer des produits agricoles d'Ouganda
    Jul 1 2024

    L’Ituri est une province enclavée et isolée dans l’est de la République démocratique du Congo. Sa frontière avec l’Ouganda voisin lui permet depuis toujours de s’approvisionner, notamment en produits manufacturés. Mais depuis quelques années, la région congolaise, pourtant réputée pour son agriculture, importe aussi des produits maraîchers. La faute aux violences intercommunautaires qui empêchent les cultivateurs d’aller aux champs.

    De notre correspondante en RDC,

    Aux ports de Tchomia et Kasenyi, les pirogues sont déchargées directement dans des camions sur les berges du lac Albert. Direction Bunia, la capitale de l’Ituri, à une cinquantaine de kilomètres de là. Les marchandises rejoindront ensuite différentes localités aux quatre coins de la province.

    « Nous transportons du ciment, de l’huile végétale, des sacs de riz et différents biens de consommation », explique un capitaine de pirogue.

    Au total, une vingtaine de bateaux se relaient, trois ou quatre font la traversée entre les deux pays chaque jour. « Ça arrive de l’Ouganda, direct ici, au port de Tchomia, explique Olivier, qui se définit comme agent collaborateur de la douane. L’inverse, les marchandises de RDC vers l’Ouganda, ça n’existe pas. »

    « La RDC est une terre agricole, mais avec l’insécurité, il n’y a pas moyen de faire de l’agriculture »

    Voilà trois ans qu’Olivier, autrefois enseignant, travaille ici. Beaucoup d’hommes gravitent dans ces deux ports, à la recherche d’un emploi journalier. Nombreux sont des déplacés du conflit qui sévit en Ituri depuis 2017. Un conflit violent où des communautés se disputent sites miniers et terres agricoles, sur fond de rivalités ethniques et de racisme. Un conflit qui profite aux exportations agricoles de l’Ouganda.

    « Il y a déjà deux pirogues, une troisième arrive, elle va nous amener les moyens de vivre, des pommes de terre », détaille Jacob Bimbona, président des transporteurs du Lac Albert. La RDC est une terre agricole, mais avec l’insécurité, il n’y a pas moyen de faire de l’agriculture. Avant, ce n’était pas comme ça. Tous ces produits ne provenaient pas de l’Ouganda. »

    De l’or de RDC en Ouganda

    Un seul produit congolais est exporté de la RDC vers l’Ouganda : l’or. Mais ce trafic invisible est illégal. Selon l’étude d’une ONG anti-corruption, environ 95 % de l’or exporté depuis l’Ouganda est illicite.

    À lire aussiRDC: la pêche en difficulté sur la rive congolaise du lac Albert

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  • RDC: la pêche en difficulté sur la rive congolaise du lac Albert
    Jun 30 2024

    Le lac Albert, qui sépare la République démocratique du Congo (RDC) et l’Ouganda, est l’un des plus riches en poissons. Mais la surexploitation menace le renouvellement des stocks. Les autorités congolaises ont pris des mesures pour sauvegarder la ressource, mais cela accroit la concurrence avec les pêcheurs de l’Ouganda voisin. Au village congolais de Kasenyi, la pêche n'est plus ce qu'elle était.

    De notre envoyée spéciale à Kasenyi,

    Une dizaine de pêcheurs hisse la pirogue jusqu’à la berge. La pêche est maigre ce matin de mai à Kasenyi. Nombreux sont les résidents qui se sont tournés vers l’import-export : « La pêche, c’est le principal travail ici. Mais notre pêche aujourd’hui ne donne pas », se plaint un manutentionnaire, qui évoque le manque de matériel adapté.

    Règles différentes en Ouganda

    La RDC a en effet interdit l’utilisation de certains filets à petites mailles pour lutter contre la surpêche et favoriser la reproduction des poissons. Des zones de frayère ont aussi été délimitées : régulièrement, les services congolais détruisent les matériaux hors normes et arrêtent les pêcheurs illégaux.

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    Mais en face, côté ougandais, les règles sont différentes. « Les poissons viennent de l'Ouganda, explique Tina, vendeuse de poisson, car ici, au Congo, il y a beaucoup de patrouilles. Il y a des gens qui pêchent en Ouganda, d’autres qui achètent et qui nous ramènent le poisson ici. Nous, les vendeuses, nous achetons en gros. Puis, nous vendons au détail aux clients de Bunia, Mongwalu, Komanda, Mambassa, Béni, Oicha. Nous amenons les poissons de l'Ouganda jusqu'ici au Congo. »

    Pêcheurs congolais sans emploi

    Résultat, la concurrence est rude et les pêcheurs congolais se retrouvent souvent sans emploi. « Il y a une baisse de production, ça va créer du chômage, déplore Christophe Lonama, président provincial de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Ce n’est pas bon. Les années précédentes, on exploitait les poissons du lac Albert partout, il y avait des quantités suffisantes. Maintenant, il y a une diminution sensible des quantités de poissons et même une disparition de certaines espèces dans les lacs, suite au non-respect de zones de frayères et suite à l’usage de filets prohibés. »

    Le lac Albert est déjà considéré comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en raison de la pollution liée à la présence humaine autour du lac. Le projet pétrolier de Total sur les rives du lac côté ougandais inquiète aussi les écologistes.

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  • Remobiliser la filière africaine du coton face aux chutes de production
    Jun 27 2024

    La filière africaine du coton génère entre 5 et 50% du PIB des pays producteurs. Mais depuis deux ans, elle est confrontée à d’énormes problèmes de production. Remotiver la filière, c’était le but de l’Association cotonnière africaine à Abidjan, lors de sa 20ᵉ assemblée générale.

    De notre correspondant à Abidjan,

    Baisse de rendement due notamment au changement climatique, coût élevé des intrants ou encore émergence de cultures concurrentes telles que le maïs, l’anacarde ou l’arachide, voilà entre autres les difficultés que rencontre la filière cotonnière africaine ces dernières années.

    Jassides et pauvreté des sols

    Autre défi, l’apparition des jassides. Ces insectes ravageurs des champs de coton ont entraîné de lourdes pertes, estimées rien qu’en Côte d’Ivoire à plus de 330 000 tonnes, soit la moitié de la production. « Cela fait deux ans que nous avons des problèmes de jassides, qui ont perturbé la production », déplore Moussa Soro, président du conseil d’administration d’Intercoton, l’organisation interprofessionnelle agricole ivoirienne de la filière coton. « La crise perturbe tous les producteurs. Mais on veut relever ce défi. On a fait une sensibilisation et une remobilisation des producteurs sur le terrain pour les encourager à faire du coton et à relever le défi de la production ».

    Les producteurs du Burkina Faso voisin ont également été confrontés à ces insectes « mangeurs » de coton. Conséquence : plus de 25 % de la production perdue. Mais ils doivent également surmonter le fait que les sols sont de moins en moins fertiles. « Les terres sont lessivées, elles sont pauvres », observe Nikébo N'Kambi, président de l’interprofession burkinabé.« Donc, actuellement, il faut pratiquer l’assolement, il faut nourrir les terres pour relever le défi du rendement au Burkina Faso. Nous sommes en train de travailler avec les agronomes pour restaurer nos sols. Et après cette restauration-là, sensibiliser les producteurs aux meilleures techniques agricoles pour rentabiliser la production cotonnière. »

    Vulgariser les drones

    Selon les spécialistes invités par l’Association cotonnière africaine (ACA), réunie à Abidjan pour sa 20ᵉ assemblée à la mi-mai, ces difficultés, communes à l’ensemble des pays membres, peuvent être en partie surmontées par l’amélioration des mécanismes de production. « Il faut trouver des petits motoculteurs de labours », juge l’agronome Kodjané N’Diamoi,« de telle sorte que, même quand le gros tracteur commun n’est pas disponible, le producteur puisse commencer ses travaux et n’attende pas de laisser passer la période humide. Il a aussi été initié aux traitements par drone. Il faut encourager les essais et la vulgarisation de ces drones. »

    Le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont les plus gros producteurs d’Afrique, avec près de 50 % des récoltes du continent. Ces productions sont exportées principalement vers l’Asie.

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