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  • Allemagne-France: retour sur le massacre d'Oradour-Sur-Glane
    Jun 9 2023

    En 2013, des enquêteurs allemands se sont rendus à Oradour-sur-Glane, le village situé dans le département de la Haute-Vienne, où l’un des pires massacres contre des civils était commis par l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Une visite très surprenante. Notre correspondant en Allemagne, Pascal Thibaut, explique.

    Première diffusion le 6 février 2013.

    Pascal Thibaut : Il ne s'agit pas évidemment de prouver l'existence ou non de ce massacre. C'est bien sûr hors de cause. La raison de ce déplacement au début de l'année 2013, c'est le fait qu'en 2010, des historiens ont retrouvé dans les archives de la Stasi, l'ex police politique est-allemande, des documents prouvant l'implication de six personnes, de six anciens soldats allemands encore en vie. D'où une enquête ouverte par le parquet de Dortmund, spécialisé dans la poursuite des crimes de guerre nazis, des crimes de guerre qui, en Allemagne, contrairement à la France après 30 ans, ne sont pas prescrits.

    RFI : Oradour-sur-Glane est, depuis la destruction du village en 1944, un mémorial, c'est-à-dire que les ruines ont été laissées en l'état. Qu'est-ce qu'une enquête sur place, en 2013, peut apporter ?

    Effectivement, on peut peut être se poser la question au premier abord. Alors, ce qu'explique les enquêteurs allemands, c'est qu'on peut vérifier la véracité ou non d'un certain nombre de témoignages dans le mémorial constitué par l'ancien village pour vérifier si une personne disant qu'elle se trouvait à tel ou tel endroit, si cette personne a pu voir tel ou tel aspect du massacre, et donc si son témoignage est vérifié ou non. Et puis, les enquêteurs, lors de leur déplacement, se sont également rendus dans des archives françaises pour consulter des documents liés à ce massacre.

    Est-ce que cela va aboutir à quelque chose ? En un autre mot, est-ce qu'il va y avoir un procès contre les octogénaires encore en vie qui sont suspecté d'avoir participé au massacre ?

    Alors c'est loin d'être sûr. D'abord parce que trois des six hommes encore en vie ne sont plus en état, en raison de leur état de santé, d'être jugés. Il reste donc trois personnes pour lesquelles la justice allemande doit réunir suffisamment de preuves pour pouvoir ouvrir un procès. Si c'est le cas, ça pourrait encore être cette année, mais encore une fois, tout cela reste encore très ouvert. Pour rappel, un procès avait eu lieu en 1953 devant un tribunal militaire de Bordeaux avec 21 personnes présentes dont quatorze Alsaciens et sept Allemands. La plupart des personnes avaient ensuite été amnistiés, les Allemands condamnés par contumace, donc en l'absence, qui se trouvait donc sur le sol allemand, n'avaient pas été extradés par leur pays.

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  • Serbie: jour-J pour les élections législatives et municipales
    Jun 21 2020

    La Serbie organise ce dimanche 21 juin des élections législatives et municipales, alors que le pays, à peine sorti du confinement, connaît un regain de l’épidémie de Covid-19. Le président Vucic escompte un plébiscite mais l’opposition appelle au boycott. Pourquoi le scrutin est-il organisé aujourd’hui ?

    de notre correspondant à Belgrade,

    Des élections locales devaient avoir lieu ce printemps, et le président Vucic a voulu y coupler des législatives anticipées, alors même que l’homme fort de la Serbie dispose déjà d’une majorité absolue au Parlement, afin d’être en position de force, alors que le calendrier des négociations avec le Kosovo devrait s'accélérer

    Le scrutin était initialement prévu le 12 avril, mais il a du être repoussé à ce 21 juin en raison de l’épidémie de Covid-19. La Serbie est aujourd’hui totalement sortie du confinement, mais le pays, ainsi du reste que ses voisins des Balkans, notamment la Macédoine du Nord, connaît effectivement une inquiétante hausse des contaminations depuis une dizaine de jours.

    L’opposition appelle au boycott.

    Presque toutes les formations d’opposition représentées dans l’actuel Parlement appellent au boycott, depuis le Parti démocrate (centre gauche) jusqu’au mouvement d’extrême droite Dveri. De très nombreuses organisations de la société civile appellent également au boycott. Avec des médias monopolisés par le pouvoir, une omniprésence de la figure du président Vucic, une dérive autoritaire accentuée par l’état d’urgence sanitaire, les conditions ne sont absolument pas remplies pour envisager des élections libres et démocratiques.

    Néanmoins, 21 formations vont briguer les suffrages des citoyens. Parmi elles, de nouveaux groupes d’extrême droite, mais aussi deux listes issues des mobilisations anti-régime de l’année 2019, qui ont fait le choix de la participation. Alors qu’il est nécessaire de déposer 10.000 signatures pour déposer une liste, les partisans du boycott soupçonnent le régime d’avoir donné un coup de pouce à ces listes, afin de donner une apparence de crédibilité à ces élections, mais aussi de se créer une opposition « sur mesure ».

    En tout état de cause, le président Vucic attend un plébiscite…

    Assurément, l’issue du scrutin ne fait guère de doutes, le Parti progressiste serbe d’Aleksandar Vucic est quasiment assuré de disposer à nouveau de la majorité absolue au sein du futur Parlement. Pour le maître de Belgrade, l’enjeu est d’avoir les coudées franches, alors que les échéances devraient se précipiter à propos du Kosovo. Dès samedi 27, Aleksandar Vucic et son homologue kosovar Hashim Thaçi sont convoqués à la Maison Blanche, où les bases d’un accord politique entre Belgrade et Pristina devraient être annoncées. Alors que les deux capitales bruissent de rumeurs, on ignore quelles pourraient être ces bases politiques, mais l’administration Trump semble en tout cas décidée à boucler au plus vite le dossier. Les États-Unis ont repris la main sur la dialogue Kosovo-Serbie, marginalisant l’Union européenne, divisée sur le sujet.

    À lire aussi : Le nouveau gouvernement du Kosovo fait un pas vers le dialogue avec la Serbie

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  • Pétrole: le pari calculé de Moscou face à Riyad
    Mar 13 2020

    C'est un bras de fer sans précédent qui se joue depuis une semaine entre l'Arabie saoudite et la Russie. Les deux superpuissances du pétrole sont en désaccord sur la conduite à tenir face au coronavirus et à son impact sur les cours du brut. Conséquence, une « guerre des prix » qui pourrait avoir un impact très lourd sur l’économie russe.

    de notre correspondant à Moscou,

    « Nous avons suffisamment de ressources pour préserver notre économie » en cas d’effondrement des cours du brut. Vladimir Poutine l’a clairement fait savoir ce mercredi 11 mars, il considère que son pays est capable de tenir tête à l’Arabie saoudite dans la guerre des prix, et des nerfs, qui a débuté. A l’origine de ce conflit, le refus de Moscou de baisser sa production d’or noir, malgré les demandes de l’OPEP, Riyad en tête. La Russie était déjà réticente à prolonger l’accord de 2016 et a décidé, le 6 mars dernier à Vienne, de ne pas aller plus loin. Aux yeux des producteurs russes, cette politique de modération de la production ne pouvait en effet que profiter aux groupes américains, libres de gagner des parts de marché en profitant d’un cours du brut assez élevé. Tous ceux qui à Moscou réclamaient l'abandon de cette politique de modération de la production ont donc obtenu gain de cause, avec le soutien de Vladimir Poutine.

    Trésor de guerre

    Malgré les déclarations bravaches du président russe, les conséquences pour l’économie russe pourraient cependant être lourdes. Baisse du rouble, effondrement de la bourse de Moscou, inflation importée… C’est un jeu dangereux pour la Russie. Mais un pari calculé aux yeux de certains observateurs, qui estiment le pays mieux armé qu’il y a quelques années pour se lancer dans ce genre d’aventures. La Russie s’est en effet dotée d’un trésor de guerre considérable, une réserve stratégique évaluée à 150 milliards de dollars, qu’elle peut utiliser justement dans ce genre de situation, lorsque les cours du brut s’effondrent. « Même avec un baril en dessous de trente dollars, déclarait récemment le ministre russe des Finances Anton Silouanov, nous pourrons facilement financer nos dépenses durant quatre ans. » D’un point de vue strictement budgétaire, la Russie peut voir venir… Mais une guerre des prix dans le secteur qui est tout de même le plus important pour son économie pourrait peser lourdement sur la croissance… et entraver les ambitions économiques de Vladimir Poutine, qui s’est fixé un objectif de 3% de croissance largement hors d’atteinte.

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  • Coronavirus en Espagne: le gouvernement renforce les mesures de prévention
    Mar 11 2020

    En Espagne, le chef de l’exécutif socialiste, Pedro Sanchez, a réagi tard. Mais, regardant ce qui se passe en Italie et ailleurs, il a fini par prendre des mesures drastiques de prévention face au coronavirus. L'épidémie a fait 47 morts, et plus de 2 000 personnes sont infectées, essentiellement à Madrid, mais aussi au Pays basque ou à La Rioja.

    Avec notre correspondant à Madrid, François Musseau

    « Ne relâchons pas l’effort, et ne croyons surtout pas que l’affaire va se régler en peu de temps » : c’est le message essentiel adressé par le chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez aux Espagnols. Un Pedro Sanchez qui a commencé timidement dans la gestion de cette crise sanitaire et qui désormais a pris les rênes avec volontarisme. D’après lui, les semaines à venir vont être difficiles,et il faut s’attendre à combattre le fléau du coronavirus jusqu’à une durée de quatre mois. Dans les trois foyers principaux, Madrid, la Rioja et le Pays basque, les mesures prises sont de plus en plus sérieuses. Contrôles drastiques dans les aéroports, vols directs interdits avec l’Italie, annulation de tous les événements sportifs dans les prochaines semaines. Douze prisons ont été placées à l'isolement, avec à l’intérieur 8 000 prisonniers fous de rage. Quelque 300 d’entre eux ont d’ailleurs réussi à s’enfuir.

    Dans la capitale surtout et ses 6 millions d’habitants, écoles, lycées et universités sont fermés; les trois grands musées aussi, dont le Prado. Les réservations d’hôtels sont en chute libre, avec une baisse de 15%. Les grands concerts sont annulés. L’essentiel de la vie culturelle est gelé. On peut constater que les restaurants sont presque déserts, et que par contre les supermarchés sont pris d’assaut. Une forte rumeur parcourt la capitale disant qu’elle pourrait être fermée d’ici peu par les autorités, rumeur démentie par la présidente de la région Diaz Ayuso. Et ce, même si de nouvelles mesures drastiques sont attendues dans les prochains jours.

    Des effets économiques déjà sensibles

    Le tourisme, qui est la principale source de revenu pour les finances publiques et pour des milliers d’entreprises liées à l’hôtellerie et aux services, souffre déjà des effets de l'épidémie. L’État va devoir injecter des centaines de millions d’euros pour garantir les services sanitaires et pour les entreprises qui vont connaître une baisse de leur productivité. Il est d'ailleurs recommandé d'avoir recours au télétravail. Le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, a aussi prévenu la Commission européenne qu’il ne pourrait pas respecter le plafond de déficit public fixé à 1,6%.

    L’affaire du coronavirus se politise en Espagne

    Selon le patronat, cette crise est l’occasion idéale pour baisser les impôts et libéraliser davantage l’économie. Argument aussi brandi par l’opposition de droite, qui accuse Pedro Sanchez d’avoir réagi tardivement et sans assez de fermeté. Le chef de l’opposition de droite, Pablo Casado, estime, lui, qu’il faut interdire tous les rassemblements publics et même festifs, la Semaine sainte, la Feria de Séville ou les Fallas de Valence. La question fait débat. De son côté, le parti d’ultra-droite Vox s’est publiquement excusé d’avoir organisé dimanche dernier un meeting de 9 000 personnes, meeting au cours duquel son secrétaire général, Ortega Smith, a été infecté par le coronavirus.

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  • Russie: une multitude de nouveaux partis pour brouiller les élections
    Mar 9 2020

    En Russie, l’apparition d’une multitude de petits partis ces derniers mois suscite de nombreuses questions. Certains n’hésitent pas à qualifier ces nouveaux partis de « trompe-l’œil » créés de toutes pièces pour diviser et affaiblir l’opposition. Le dernier de ces partis a été fondé la semaine dernière, il s’appelle « Démocratie directe » et il a été fondé par le créateur de l’un des jeux vidéo les plus célèbres de la planète.

    Le nom de Viatcheslav Makarov ne vous dit peut-être pas grand-chose. En revanche, son jeu vidéo World Of Tanks, est l’un des plus gros succès de ces dernières années. Son créateur âgé de 40 ans a décidé d’abandonner son jeu et son entreprise pour se lancer en politique. Cela pourrait prêter à sourire, si ce nouveau parti était un cas isolé, mais depuis la fin de l’année 2019 c’est en réalité une multitude de petits partis qui ont été créé, des partis de niche, ciblant des publics très précis.

    L’un des plus remarqués étant le parti de l’écrivain nationaliste Zakhar Prilepine, connu pour avoir combattu auprès des séparatistes du Donbass ukrainien. Au total, selon un décompte de l’Agence France-Presse, 39 partis ont été créé en 2019, dont près de la moitié rien qu’au dernier trimestre. Ces partis ont tous pour ambition de participer aux élections locales de l’automne prochain, avec comme objectif ensuite : obtenir suffisamment de voix pour avoir le droit de présenter des candidats aux législatives de 2021.

    Une profusion de nouveaux partis

    Cette explosion du nombre de nouveaux partis est d’autant plus étonnante que d’autres formations de l’opposition n’ont toujours pas eu la possibilité d’enregistrer leur propre parti : c’est le cas de celui qui est considéré comme le plus fervent opposant au Kremlin, Alexei Navalny, qui essaie depuis des années, en vain, d’enregistrer sa propre formation politique.

    En réalité, ces nouveaux partis ont été soit créés, soit encouragés par les autorités. C’est ce qu’ont expliqué des sources proches de l’administration présidentielle cité par la presse russe, notamment le site Meduza et le journal Vedomosti. Les objectifs de cette stratégie seraient multiples : doper la participation, disperser le vote contestataire, et par ricochet, aider le parti au pouvoir Russie Unie, à converser sa majorité.

    Le parti Russie unie à la popularité en chute libre

    La chute de popularité du parti Russie unie est un très gros problème pour Vladimir Poutine à l’approche des législatives de 2021. La création de cette multitude de partis serait donc une manière de préparer l’échéance, selon le journal en ligne Meduza. L’administration présidentielle distingue à ce petit jeu deux sortes de formations politiques : celle comme Démocratie directe, du créateur du jeu vidéo World of Tanks, qui ne sont là que pour la galerie, pour donner l’impression d’une véritable démocratie et pour ôter des voix à l’opposition. Et celles plus sérieuses, plus solides, qui présenteront des listes aux législatives, qui pourront avoir des députés, en partant du principe qu’une fois au Parlement, ces parlementaires voteront dans le sens souhaité par les autorités.

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  • Réfugiés: fortes tensions à Lesbos après l'ouverture de la frontière turque
    Mar 8 2020

    En Grèce, la situation reste très tendue à la frontière terrestre avec la Turquie, qui a ouvert depuis le 29 février ses frontières à destination de l’Union européenne. Plusieurs milliers de demandeurs d’asile et de migrants y sont toujours bloqués dans la zone tampon entre les deux pays, occasionnant des heurts réguliers avec la police grecque. Le président turc a en revanche légèrement relâché la pression sur les iles grecques de la mer Égée en donnant à nouveau l’ordre ce week-end à ses garde-côtes d’empêcher les départs par la mer.

    Après l’ouverture des frontières turques fin février, des bateaux transportant plus de 500 migrants ont accosté début mars sur l’île de Lesbos, où se situe en particulier Moria, le plus grand camp d’Europe. Considérant que ces réfugiés sont instrumentalisés par le régime du président Erdogan, la Grèce a décidé unilatéralement de ne plus prendre en compte aucune demande d’asile au cours du mois de mars. Et de considérer comme hors-la-loi toute les personnes arrivées « illégalement », au grand dam des défenseurs des droits de l’homme.
    Les nouveaux arrivants ont donc été arrêtés, et maintenus dans le port de la ville puis sur une frégate militaire, sans jamais être acheminés vers le camp saturé de Moria, qui compte déjà plus de 20 000 demandeurs d’asile. Cette frégate était toujours à quai, à Mytilène, la capitale de l’île de Lesbos, samedi 7 mars.
    En théorie, le ministre grec en charge de la Migration a fait savoir en milieu de semaine que l’ensemble des personnes entrées illégalement sur le territoire seraient transférées vers la ville de Serres, dans le nord de la Grèce, avant d’être renvoyées dans leur pays. Reste à voir si Athènes renverra effectivement une partie de ces migrants vers des zones de conflits.

    L'île de Lesbos toujours sous tension

    Samedi 7 mars au soir, un nouvel incendie a ravagé un centre communautaire destiné aux demandeurs d’asile au nord de Mytilène, une semaine après qu’un centre de transit du Haut-commissariat aux réfugiés avait lui aussi brûlé, dans le nord-est de l’île. Par ailleurs, le gouvernement grec vient d’annoncer la création de deux nouveaux camps, supposés temporaires, pour héberger près de 1 000 personnes, l’un vers la ville de Serres et l’autre dans la région d’Athènes. L’idée étant d’y acheminer les migrants arrivés à partir du mois de mars, dans l’optique de ne pas engorger encore davantage les camps des îles, comme à Lesbos, où la tension reste donc très forte.

    Des relations greco-turques détériorées

    La Grèce et la Turquie, théoriquement alliés au sein de l’Otan, s’accusent de tous les maux. Ankara accuse notamment la Grèce d’être à l’origine de la mort d’au moins trois personnes à la frontière en utilisant des tirs à balles réelles des accusations rejetées par Athènes qui les qualifient de « fake news ». De son côté, le premier ministre Kyriákos Mitsotákis dénonçait vendredi 6 mars sur CNN ce qu’il qualifiait de « provocation » turque en affirmant qu’Ankara assistait les migrants d’un point de vue logistique pour les envoyer vers la frontière grecque. Des réfugiés et des migrants qu’Athènes considère comme des « pions géopolitiques » utilisés par Ankara pour promouvoir ses propres intérêts.

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  • Immigration: l'Autriche présente un bilan de l’intégration des réfugiés
    Mar 7 2020

    Alors que la situation est tendue à la frontière gréco-turque depuis qu’Ankara a décidé d’ouvrir ses frontières, l’Autriche a présenté jeudi 5 mars un bilan de l’intégration des réfugiés arrivés dans le pays depuis 2015.

    L’Autriche est l’un des pays européens qui, en proportion, a accueilli le plus de réfugiés lors de la crise de 2015-2016, une crise qui a laissé des traces dans ce pays d’un peu moins de 9 millions d’habitants. Environ 200 000 personnes ont déposé une demande d’asile en Autriche depuis 2015, dont 110 000 ont reçu une réponse positive selon les chiffres présentés cette semaine par la ministre conservatrice de l’Intégration, Susanne Raab. Cette dernière a insisté sur les coûts de cet accueil, expliquant que l’hébergement dans les centres d’asile a coûté plus de deux milliards d’euros et que 70 000 cours d’allemand et 100 000 cours de valeurs ont été dispensés à ces nouveaux arrivants. Selon la ministre, l’Autriche « n’a pas encore surmonté les conséquences de 2015 », d’où sa mise en garde concernant la situation actuelle, alors que la Turquie a ouvert ses frontières avec la Grèce pour laisser passer les migrants. « Nous ne devons pas laisser entendre que si on peut arriver en Grèce, on peut arriver ensuite en Autriche » a martelé la ministre conservatrice.

    Un message clair de la part des conservateurs autrichiens

    Ces derniers jours, l’extrême-droite mais aussi les conservateurs ont régulièrement agité le spectre d’une crise similaire à celle connue en 2015. Le chancelier Sebastian Kurz a ainsi dénoncé une « attaque » de la Turquie contre l’Union européenne et plaidé pour la protection des frontières extérieures afin « que 2015 ne se reproduise pas ». Sauf qu’aujourd’hui Sebastian Kurz ne dirige plus l’Autriche avec l’extrême-droite mais avec les Verts, une coalition inédite au pouvoir depuis janvier dernier. Or, les écologistes ne partagent pas cette position. Le vice-chancelier Werner Kogler a même fait une proposition totalement à rebours de ce discours : accueillir des femmes et des enfants qui se trouvent dans les centres d'asile surpeuplés des îles grecques. Proposition immédiatement rejetée par les conservateurs. Werner Kogler a dû reconnaître que c’était une opinion personnelle, mais il a reçu le soutien de plusieurs ministres écologistes et membres du parti, dont celui du président de la République, Alexander Van der Bellen.

    Cela fragilise-t-il la coalition autrichienne ?

    Les deux partis ne s’attendaient sans doute pas à ce que la question migratoire s’invite de cette manière et aussi vite dans les débats. Ils ont bel et bien prévu dans leur programme un dispositif inédit dans la vie politique autrichienne, qui permet, en cas de crise migratoire, à chacun des deux partenaires de s'associer à d'autres partis pour faire voter une loi. Mais ils pensaient sans doute que cela ne serait jamais utilisé. Il y a moins de certitudes aujourd’hui à ce sujet, bien que les deux partenaires s’en défendent. Ce qui est sûr, c’est qu’ils suivront avec attention la situation à la frontière gréco-turque dans les jours à venir. Le Premier ministre grec sera d’ailleurs reçu mardi prochain par le chancelier Sebastian Kurz.

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  • Crise des réfugiés: l'Allemagne ne veut plus faire cavalier seul
    Mar 6 2020

    Les ministres des Affaires étrangères européens sont réunis depuis jeudi 5 mars à Zagreb en Croatie. Ils ont déjà évoqué l'hypothèse d'une zone de sécurité dans la région syrienne d'Idleb qui se heurte à des désaccords au sein des 27. L'autre dossier important concerne l'afflux de réfugiés à la frontière entre la Turquie et la Grèce et la remise en cause par Ankara de l'accord conclu il y a quatre ans avec l'Europe. Un pays européen qui avait plaidé pour ce texte est au premier plan : l'Allemagne, y compris en raison de l'accueil de centaines de milliers de réfugiés en 2015 et du rôle joué par la chancelière Merkel. Quelle est tout d'abord la position actuelle de l'Allemagne dans la crise actuelle ?

    Berlin souhaite une prolongation de l’accord avec la Turquie conclu en 2016 pour une durée de quatre ans et qui prévoyait le versement de six milliards d’euros à la Turquie. Quelques mois après l’arrivée d’environ 900 000 réfugiés en 2015, ce texte était essentiel pour l’Allemagne, la Turquie contrôlant ses frontières pour empêcher que des personnes rejoignent les îles grecques. En échange, les réfugiés en Turquie ont bénéficié de soutiens européens.

    Le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas a déclaré, jeudi 5 mars, avant son départ pour Zagreb qu’Ankara devait continuer à bénéficier de l’aide de l’Europe. Angela Merkel est sur la même ligne.

    L’Allemagne souhaite par ailleurs des solutions pour la prise en charge de réfugiés, mais rejette tout cavalier seul pour ne pas réitérer ce qui s’est passé en 2015 lorsque beaucoup de personnes prenaient le chemin de ce pays. Berlin veut aller de l’avant avec quelques autres États, une solution englobant tous les États européens étant irréaliste.

    Au-delà du gouvernement, quelles positions prennent les autres acteurs en Allemagne et la population en général ?

    Les conservateurs répètent que 2015 ne doit pas se répéter même s’ils veulent avancer. Alors que la CDU est en campagne pour désigner son nouveau président, les prétendants marchent sur des oeufs. Les sociaux-démocrates savent que leur base populaire a des réticences et restent prudents. Tous craignent que l’extrême droite qui actuellement s’exprime beaucoup sur le sujet ne profite de la situation. Les Verts qui ont le vent en poupe souhaitent un accueil des réfugiés, mais les électeurs centristes qu’ils séduisent actuellement sont-ils prêts à les suivre ?

    Sur le terrain, l’héritage du mouvement « refugees welcome » de 2015 reste présent. Sept grandes villes dont Cologne, Düsseldorf et Hanovre vont publier un appel aujourd’hui pour l’accueil des mineurs non accompagnés dans les camps en Grèce. Une alliance de 140 villes se dit prête à accueillir des réfugiés. Berlin a annoncé que 2 000 places sont disponibles. Les Églises protestante et catholique, mais aussi diverses ONG réclament notamment l’accueil de réfugiés surtout pour réduire la situation dramatique sur les îles grecques. Dans un sondage hier soir, 57% des Allemands se disent prêts à ouvrir la frontière entre la Grèce et la Turquie où d’autres réfugiés se pressent à condition qu’ils soient ensuite répartis parmi les pays européens. 41% sont d’un avis contraire.

    Ces derniers jours, les débats en Allemagne se sont focalisés sur la prise en charge de mineurs non accompagnés actuellement sur les îles grecques. Quelles sont les positions en présence ?

    Beaucoup veulent aider. Mais là aussi l’Allemagne ne veut pas être seule à accueillir ces enfants pour ne pas donner l’impression que les portes du pays sont largement ouvertes. Le ministre de l’Intérieur Seehofer plaide pour une conférence européenne sur la prise en charge de 5 000 mineurs. Des villes sont prêtes déjà à le faire, mais ont besoin du feu vert de l’État fédéral. Plusieurs régions allemandes plaident aussi pour une telle option.

    Parce que l’Allemagne pose des conditions, une motion déposée mercredi soir au Bundestag par les Verts pour l’accueil de ces mineurs a été rejetée malgré les états d’âme de députés de la majorité. Des élus chrétiens et sociaux-démocrates ont tenu à souligner que sur le principe ils soutenaient le texte des écologistes.

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