Episodios

  • Le panache de Cyrano, ou l'art de la tirade
    May 9 2022

    Représenté pour la première fois en 1897, le Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand reste encore aujourd'hui la pièce française la plus jouée au monde ; et si vous ne saviez pas qui l'avait écrite, vous connaissiez en revanche sûrement déjà le personnage de Cyrano, ce bretteur habile et fin poète qui ne souffre que d'une chose : la laideur de son nez ! Ses tirades sont célèbres, et c'est l'une d'entre elles que nous décortiquons aujourd'hui !

    Cris de tous.

    J’ai faim !

    Cyrano, se croisant les bras.

    Ah çà ! mais vous ne pensez qu’à manger ?…

    — Approche, Bertrandou le fifre, ancien berger ;

    Du double étui de cuir tire l’un de tes fifres,

    Souffle et joue à ce tas de goinfres et de piffres

    Ces vieux airs du pays, au doux rythme obsesseur,

    Dont chaque note est comme une petite sœur,

    Dans lesquels restent pris des sons de voix aimées,

    Ces airs dont la lenteur est celle des fumées

    Que le hameau natal exhale de ses toits,

    Ces airs dont la musique a l’air d’être un patois !…

    (Le vieux s’assied et prépare son fifre.)

    Que la flûte, aujourd’hui, guerrière qui s’afflige,

    Se souvienne un moment, pendant que sur sa tige

    Tes doigts semblent danser un menuet d’oiseau,

    Qu’avant d’être d’ébène, elle fut de roseau ;

    Que sa chanson l’étonne, et qu’elle y reconnaisse

    L’âme de sa rustique et paisible jeunesse !…

    (Le vieux commence à jouer des airs languedociens.)

    Écoutez, les Gascons… Ce n’est plus, sous ses doigts,

    Le fifre aigu des camps, c’est la flûte des bois !

    Ce n’est plus le sifflet du combat, sous ses lèvres,

    C’est le lent galoubet de nos meneurs de chèvres !…

    Écoutez… C’est le val, la lande, la forêt,

    Le petit pâtre brun sous son rouge béret,

    C’est la verte douceur des soirs sur la Dordogne,

    Écoutez, les Gascons : c’est toute la Gascogne !

    (Toutes les têtes se sont inclinées ; -tous les yeux rêvent ; – et des larmes sont furtivement essuyées, avec un revers de manche, un coin de manteau.)



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    10 m
  • Nietzsche dans toute sa malice : immersion au coeur de ses aphorismes
    Apr 18 2022

    Grand penseur de la fin du XIXème siècle, Friedrich Nietzsche a considérablement influencé la philosophie contemporaine – et encore, c'est un euphémisme ! L'auteur allemand n'a eu de cesse de récuser les fondements même de nos civilisations occidentales. Mais s'il est surtout connu pour sa critique des valeurs humaines, le philosophe au nom imprononçable ne se limite pas à ses écrits anti-conformistes. Nous nous intéressons aujourd'hui à trois de ses "plaisanteries, ruses et vengeances" qui ouvrent le Gai Savoir !

    (Aphorismes n°33, 59 et 62)

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    8 m
  • L'absurde chez Camus - L'Etranger, ou la génèse d'une pensée philosophique
    Feb 7 2022

    Traduit dans soixante-huit langues, L'Etranger est le troisième roman francophone le plus lu dans le monde. Et pour cause ! Alors qu'il n'est qu'à son coup d'essai, Albert Camus y développe ce qui est au fondement de toute sa philosophie : l'absurde. "Pourquoi jouer le jeu de la vie si je dois mourir un jour?" C'est à partir de cette première lassitude que l'auteur puise son inspiration romanesque...

    "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier."

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    8 m
  • Boire un "vers" de vin au bord du Rhin, ou l'enivrement nocturne d'Apollinaire
    Dec 6 2021

    Précurseur du surréalisme, Guillaume Apollinaire est notamment connu pour son recueil poétique Alcools. Dans les "Rhenanes", une section de son ouvrage comportant neuf poèmes, il fait se balader son personnage poétique le long du Rhin, une occasion pour lui de chanter, entre autres, ses ivresses nocturnes... C'est ce que nous analysons dans son poème "Nuit Rhénane" :

    Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme

    Écoutez la chanson lente d'un batelier

    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes

    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

    Debout chantez plus haut en dansant une ronde

    Que je n'entende plus le chant du batelier

    Et mettez près de moi toutes les filles blondes

    Au regard immobile aux nattes repliées

    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent

    Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter

    La voix chante toujours à en râle-mourir

    Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

    Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

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    10 m
  • L'ivresse vicieuse de Baudelaire - La Mort comme seule issue
    Nov 8 2021

    Avec Les fleurs du mal, Charles Baudelaire entre en 1857 au panthéon des auteurs littéraires français. Bien que très critiqué par la presse de l'époque, l'héritage qu'il laisse inspire après lui toute une génération de poètes. Le trait d'esprit du jour analyse le génie baudelairien au regard de la dernière section du "Voyage", qui est lui-même le dernier poème de ses "fleurs maladives" et qui préfigure, entre autres, "le Bateau ivre" de Rimbaud...

    Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !

    Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !

    Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,

    Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

    Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !

    Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,

    Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

    Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

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    9 m
  • Pourquoi le mal existe-t-il si Dieu existe ? - La réponse de Voltaire
    Oct 25 2021

    On connaît souvent Voltaire comme l'auteur de Candide, mais moins comme celui du "Poème sur le désastre de Lisbonne". Dans cet extrait, nous commentons la manière dont il s'oppose à la théorie du "meilleur des mondes" de Leibniz au regard du terrible séisme qui frappa la capitale portugaise le 1er novembre 1755 :

    "Quelquefois, dans nos jours consacrés aux douleurs,

    Par la main du plaisir nous essuyons nos pleurs ;

    Mais le plaisir s’envole, et passe comme une ombre ;

    Nos chagrins, nos regrets, nos pertes, sont sans nombre.

    Le passé n’est pour nous qu’un triste souvenir ;

    Le présent est affreux, s’il n’est point d’avenir,

    Si la nuit du tombeau détruit l’être qui pense.

    Un jour tout sera bien, voilà notre espérance ;

    Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion.

    Les sages me trompaient, et Dieu seul a raison"

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    8 m
  • La leçon satirique de Nicolas Boileau - Un sot peut en cacher un autre
    Oct 13 2021

    Nicolas Boileau est un auteur du XVIIème siècle. Dans ce premier numéro de Trait d'esprit, nous nous intéressons à l'un de ses nombreux traits de satire :

    "L’ouvrage le plus plat a, chez les courtisans,

    De tout temps rencontré de zélés partisans ;

    Et, pour finir enfin par un trait de satire.

    Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire."

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    4 m