Episodios

  • La journaliste nigérienne Samira Sabou, une carrière qui met en lumière les travers de la gestion de l'État
    Jul 18 2024

    Notre série Menaces sur l'information nous emmène aujourd'hui à Niamey. Le Niger a connu un coup d'État il y a un an, le 26 juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Dans la foulée de la prise du pouvoir par les militaires, la diffusion de RFI et de France 24 a été coupée dans le pays. Dans son dernier rapport, l'ONG Reporters sans frontières voit dans le coup d'État le catalyseur de violations de la liberté de la presse. Et cite par exemple le cas de Samira Sabou, arrêtée fin septembre.

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  • Evan Gershkovich, journaliste américain accusé d'espionnage en Russie
    Jul 17 2024
    Une nouvelle audience est prévue ce jeudi 17 juillet à Ekaterinbourg en Russie pour Evan Gershkovich, le journaliste américain qui encourt jusqu'à 20 années de prison pour des accusations d’espionnage. Âgé de 32 ans, Evan Gershkovich travaillait pour le Wall Street Journal lorsqu’il a été arrêté par les services de sécurité russes. L’issue de son procès ne fait guère de doutes, mais le journaliste pourrait faire l’objet d’un échange de prisonniers entre Moscou et Washington. C’est le 30 mars 2023 qu’Evan Gershkovich est arrêté par les agents du FSB. Le journaliste américain se trouve alors dans l’Oural, où il enquête sur l’économie de guerre mise en place par la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Pour cette enquête, Evan Gershkovich s’est notamment rendu dans la ville de Nijni Taguil, où se trouvent plusieurs usines d’armement.C’est ce qui lui est reproché par les enquêteurs du FSB, qui l’accusent d’avoir recueilli des informations secrètes sur les industries de défense pour le compte de la CIA. Des accusations qui n’ont été à ce jour étayées par aucune preuve, et qui semblent absurdes à tous les journalistes qui ont côtoyé Evan Gershkovich depuis son arrivée en Russie. « Lorsque je l’ai rencontré en Russie, la première chose que j’ai remarquée, c'est qu’en tant que journaliste, et bien qu’il soit étranger, nous étions sur la même longueur d’ondes, raconte la journaliste russe Maria Borzunova, aujourd’hui installée en Allemagne. … Il était curieux de tout, et il voulait montrer la réalité de ce qui se passait en Russie. »À lire aussiRussie: ouverture du procès du journaliste américain Evan GershkovichEvan Gershkovich est âgé de 25 ans lorsqu’en 2017 il s’installe en Russie pour y travailler comme journaliste. Issu de parents russes et ukrainiens réfugiés aux États-Unis à la fin des années 1970, il parle couramment le russe. Il travaille d’abord pour le Moscow Times, et s’illustre notamment lors du Covid-19 pour ses enquêtes sur la pandémie en Russie. Il intègre ensuite l’AFP, puis le Wall Street Journal et décide, après le déclenchement de la guerre en 2022, de rester en Russie. « Moi et les autres journalistes russes qui ont dû quitter le pays, nous avons compris qu’il n’était plus possible pour nous de travailler en Russie, se souvient Maria Borzunova. Mais nous pensions que pour un journaliste étranger, cela pouvait être possible. Maintenant, nous savons que c’est également dangereux, même pour un journaliste officiellement accrédité auprès du ministère russe des Affaires étrangères. Mais pour Evan, c'était très important, malgré le risque, de montrer ce qui se passait. »Échange de prisonniers ?Après son arrestation, Evan Gershkovich est incarcéré dans la sinistre prison de Lefortovo près de Moscou, puis il est transféré dans l’Oural où il doit être jugé. La sentence encourue est lourde, jusqu’à vingt années de prison.Cependant, d’après ses avocats, sa famille et ses amis, il s’efforce de ne pas perdre d’espoir. « Evan est la personne la plus forte que je connaisse, souffle Maria Borzunova. Bien sûr, cela fait plus d’un an maintenant qu’il a été arrêté. Et c’est un journaliste, il ne devrait pas être en prison ! Mais il essaie de rester fort, malgré les circonstances. »Evan Gershkovich est devenu le premier journaliste occidental depuis la fin de la Guerre froide à être accusé d’espionnage par la Russie. Et, comme à l’époque de la Guerre froide, il pourrait faire l’objet d’un échange de prisonniers, entre Moscou et Washington.Le président russe Vladimir Poutine a déjà reconnu que des négociations étaient en cours, et sous-entendu qu’il demandait en échange la libération de Vadim Krassikov, un ressortissant russe condamné en Allemagne pour l’assassinat d’un exilé tchétchène à Berlin en 2019. En attendant un éventuel accord entre les autorités russes et américaines, sur le modèle de l’échange effectué en décembre 2022 entre la basketteuse Brittney Griner et le marchand d’armes Viktor Bout, Evan Gershkovich devra suivre les audiences de son procès… sans trop se faire d’illusion sur le verdict. Car, en Russie, la quasi-totalité des procédures judiciaires se terminent par une condamnation.
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  • Huang Xueqin, «coupable» d’avoir lancé #MeToo en Chine
    Jul 16 2024

    Son travail a contribué à la libération de la parole sur les harcèlements sexuels au travail en Chine : Huang Xueqin a été victime de la répression de la liberté d’expression. Condamnée à cinq ans de prison en juin pour « tentative de subversion au pouvoir de l’Etat », cette journaliste indépendante a bravé la censure pour faire évoluer les mentalités.

    Le parcours de Huang Xueqin est celui d’une femme désabusée par l’état de la presse dans son pays. Née en 1988, elle débute d’abord sa carrière dans les grands médias officiels de sa province du Guangdong. Une expérience qui, selon ses mots, lui a permis d’être « témoin de la fin de l’âge d’or » des médias. « J’ai vu la liberté d’expression supprimée, les discours être contrôlés », confiait la jeune femme dans un podcast en 2021. Des mots prononcés quelque temps seulement avant son arrestation le 19 septembre de cette même année. Elle devait se rendre au Royaume-Uni pour débuter un master sur les études de genre à l’université de Sussex.

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    Une progression logique tant le sujet des violences faites aux femmes a été central dans sa carrière. Elle-même victime de harcèlement sexuel, Huang Xueqin a lancé, après un voyage à Singapour, une plateforme permettant aux femmes de mettre en avant leur témoignage. « Je me suis dit que pensent les victimes chez nous en Chine ? Alors, j'ai lancé un questionnaire sur le harcèlement sexuel que subissent les femmes journalistes, raconte Huang. En deux jours j’ai reçu 169 réponses. Et 69 personnes ont accepté de partager leurs histoires avec moi ».

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    Les témoignages font mouche et se répandent sur le réseau social Weibo, sorte d’équivalent de X en Chine. Cela contribue à l’ouverture d’un débat dans une société chinoise toujours très patriarcale. En 2022, les autorités finissent même par durcir la loi sur le harcèlement sexuel au travail. Malgré l’influence de son travail, elle entre dans le viseur des autorités, notamment pour sa couverture des manifestations pro-démocratie à Hong-Kong. La reprise en main de l’ancienne colonie britannique est un sujet particulièrement sensible à Pékin qui vaut à la jeune journaliste de passer trois mois derrière les barreaux. Même si comme le concède Renee Xia, directrice de China Human Rights defenders : « Il est difficile de savoir quand on dépasse la ligne rouge en Chine. Il y a une volonté assez claire de réprimer toute forme de société civile qui sort du contrôle du parti ».

    L’émergence d’un mouvement #Me too#, bien que pris en compte dans son agenda politique par les autorités, a visiblement déplu au parti. Après son arrestation en 2021, elle passe près de 1 000 jours en isolement avant son procès. En juin, elle est jugée en compagnie d’un militant du droit des travailleurs, Wang Jianbing, également connu pour son travail en faveur des femmes victimes de harcèlement sexuel. Tous deux ont été condamnés pour « tentative de subversion au pouvoir de l’Etat ». Un chef d’accusation qui a valu cinq ans de prison à Huang et trois ans et demi pour Wang.

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    3 m
  • Le journaliste libyen Khalil el Hassi: «Si on veut parler de politique, on doit parler de la corruption»
    Jul 15 2024

    Nous poursuivons Menaces sur l'info, notre série d'été sur les journalistes qui accomplissent leur travail en dépit des difficultés auxquelles ils sont confrontés. La Libye occupe, en 2024, la 143ᵉ place au classement mondial de la Liberté de la presse, selon RSF, et cela, sur une échelle de 180 pays. Il est donc très difficile d’exercer le journalisme dans une Libye chaotique et de travailler d’une manière libre et/ou indépendante. L’ouverture médiatique espérée après la chute de l’ancien régime de Kadhafi n’a finalement pas eu lieu. Les journalistes sont, depuis 2011, victimes de violation de la liberté d’expression. Nombreux sont ceux qui, parmi eux, ont subi des exactions : ils ont été interrogés, enlevés, menacés et parfois emprisonnés et torturés… Ils travaillent sous la pression de milices qui imposent leurs lois et pour lesquelles un journaliste ne serait pas libre et appartiendrait forcément à un clan. C'est le cas de Khalil el Hassi.

    Khalil el Hassi, journaliste libyen né à Derna en 1985, a choisi de travailler sur les dossiers de corruption dans son pays. Plongée dans un immense chaos, la Libye est classée septième à l'échelle mondiale de la corruption.

    Travaillant pour une chaîne libyenne basée aux Émirats arabes unis, Khalil el Hassi a préféré son indépendance. Des milliers de Libyens suivent ses investigations. Il partage ses enquêtes fortement documentées sur les réseaux sociaux : « J'ai choisi de travailler sur la corruption parce que ce sujet prédomine en Libye. Et je n’exagère pas. Si on veut parler de politique, on doit parler de la corruption, car c’est le vrai moteur du processus politique, le vrai moteur d'accords entre hommes politiques, et même pour les accords qui pourraient conduire le pays aux élections ».

    Le travail sur des dossiers très sensibles qui touchent des hommes influents lui a valu d'être poursuivi : « Si tu veux être le prochain journaliste assassiné, tu n’as qu’à travailler sur la question de la corruption en Libye. En tant que journaliste, j’ai subi, et je subis toujours, toutes sortes de menaces venant des gouvernements successifs, des différentes autorités… J’ai été la cible d’attaques de la part de leurs médias et sur les réseaux sociaux… Pire encore, je suis visé par neuf plaintes auprès du procureur général. Les plaignants sont des responsables politiques ou des hommes d’affaires liés aux responsables ».

    Condamné à l'exil depuis plus de dix ans, Khalil el Hassi, paye cher le prix de sa liberté de journaliste : « Je ne peux même pas visiter les pays proches géographiquement ou politiquement de la Libye dans lesquels la classe politique libyenne possède une certaine influence comme l’Égypte, la Tunisie, les Émirats, la Jordanie ou la Turquie… Ces pays sont interdits à tout journaliste travaillant sur les dossiers de corruption libyenne, car les réseaux de crimes organisés concernant le trafic et le blanchiment d’argent s’étendent vers ces pays ».

    Le climat de violence à l'encontre des journalistes en Libye persiste et s'aggrave et est encouragé par une totale impunité.

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    Prochain épisode, la journaliste chinoise Huang Xueqin.

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    2 m
  • «Ils allaient me tuer»: Daniel Mendoza Leal, le journaliste colombien qui se dresse contre Alvaro Uribe
    Jul 12 2024

    Journaliste et avocat défenseur des droits de l’homme, le colombien Daniel Mendoza Leal a publié en 2020 une mini-série sur Youtube. Il y dénonce les liens entre Alvaro Uribe, ancien président et pilier de la politique colombienne, les paramilitaires et le narcotrafic.

    Un panneau en liège sur le mur, des photos et un fil rouge. Daniel Mendoza Leal se met lui-même en scène dans sa mini-série. Il se saisit d’un portrait, l’accroche sur le panneau grâce à une punaise, autour de laquelle il enroule le cordon, qu’il relie aux autres photos. Épisode par épisode, une toile écarlate se forme, laissant le spectateur découvrir le réseau tentaculaire établi par Alvaro Uribe au fil des années. Le « Matarife », c’est ainsi que le journaliste colombien le surnomme, « le Boucher » en français. Mais la traduction n’est pas tout à fait exacte, « Le boucher prépare la viande, précise Daniel Mendoza Leal, le “Matarife” est celui qui tue l’animal ». Et selon lui, aucun doute, ce sénateur, ancien président élu deux fois, est bel et bien un tueur : « Il est la tempête de mort qui ne cesse de s'abattre sur notre pays », peut-on entendre à son égard dans la mini-série sortie en 2020 sur Youtube. Et Daniel Mendoza Leal s’attèle à le démontrer au fil des épisodes. « Pendant 30 ans, les informations sortaient mais aucune suite n’était donnée, se souvient-il. Tout le monde se doutait qu’Alvaro Uribe était un narcotrafiquant, mais ce n’étaient que des rumeurs. Quand j’ai montré la vérité, à base de faits historiques et vérifiés, qui le reliaient directement au narcotrafic, au paramilitarisme, aux massacres… ça a provoqué une réaction chez les gens, ça a mis un grain de sable dans l’engrenage. »

    « Cette série a enterré ma vie »

    Le grain de sable se transforme vite en tempête. Les Colombiens dévorent la série, le surnom « Matarife » est scandé lors des manifestations. Alvaro Uribe poursuit Daniel Mendoza Leal en justice pour atteinte au droit à la réputation et à l'honneur. Mais le journaliste a préparé sa défense. « Le principe numéro un de la série Matarife, c’était de ne faire aucune nouvelle révélation. C’est une série documentaire historique, tout est basé sur des archives, des interviews, des déclarations d’audience… C’est ça qui m’a permis de faire face à Alvaro Uribe. Il m’a traîné jusque devant la Cour constitutionnelle pour que je la retire, mais aujourd'hui, la série est toujours disponible sur Youtube ». La bataille juridique n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. La tête de Daniel Mendoza Leal a été mise à prix. « Cette série a enterré ma vie, résume-t-il dans un soupir. J’ai dû fuir dans mon propre pays, je devais me cacher dans les voitures de mes amis, je ne pouvais pas rester plus de deux nuits au même endroit. Je me sentais déjà mort. Je ne pouvais pas aller voir la police ou un procureur, ils étaient tous sous les ordres d’Alvaro Uribe… Et j’avais à mes trousses une bande de tueurs à gage, qui faisaient des rondes autour de chez moi pour me tuer. À ce moment-là, je me suis dit : ils vont m’avoir. Il n’y avait pas de vols vers l’étranger, à cause la pandémie de Covid, donc je ne pouvais même pas sortir du pays. Je me suis dit, ils vont finir par me tuer ».

    Jusqu’au jour où le journaliste reçoit l’appel d’un représentant de l’ambassade de France. « Au téléphone, la personne m’a dit “Ils vont vous tuer. Vous voulez rester en Colombie ou vous réfugier en France ?" Évidemment, j’ai choisi la seconde option ». Daniel Mendoza Leal devient réfugié politique et s'attèle à la deuxième saison de la mini-série Matarife. En 2022, quand Gustavo Petro, l’opposant d'Alvaro Uribe, arrive au pouvoir, c’est le signe de la fin de son exil. Le journaliste colombien rentre au pays avec un nouveau projet en tête : adapter sa série en un film, retracer en deux heures la vie d'Alvaro Uribe.

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  • Guinée: Aboubacar Akoumba Diallo, du micro de FIM FM à l’exil américain
    Jul 11 2024

    Aujourd’hui dans notre chronique d’été Menaces sur l’Info, nous partons en Guinée sur les traces du journaliste d’investigation Aboubacar Akoumba Diallo, qui est aussi spécialiste des questions minières. Célèbre chroniqueur de la radio privée FIM FM qui a été fermée par les autorités au mois de mai dernier, Aboubacar Akoumba Diallo a été obligé de fuir son pays pour s’exiler aux États-Unis. Un exil dû à ces nombreuses enquêtes dans des dossiers impliquant parfois des hauts commis de l’État mais aussi des financiers des mouvements terroristes. Ibrahima Timbi Bah s’est entretenu avec lui.

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  • Jamal Khashoggi, journaliste saoudien assassiné
    Jul 10 2024

    Le cas Jamal Khashoggi, journaliste saoudien critique du pouvoir, assassiné en 2018.

    Nulle sépulture pour Jamal Khashoggi dont le corps n’a jamais été retrouvé. Le 2 octobre 2018, le journaliste saoudien fait escale en Turquie : pour une démarche administrative, il a pris rendez-vous au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Une caméra de surveillance le filme lorsqu’il entre dans le bâtiment, personne ne l’a jamais revu.

    À l’époque de sa disparition, Jamal Khashoggi - 59 ans - a déjà quitté son pays dont l’évolution l’inquiète. Le journaliste s’est installé aux États-Unis et c’est dans les colonnes du Washington Post qu’il évoque le pouvoir du jeune Prince héritier Mohammed ben Salman. « C’est en train de devenir le pouvoir d’un seul homme. Tout est sous son contrôle », raconte Jamal Khashoggi, interviewé sur France 24 en 2017. À propos de l’homme fort du royaume, le journaliste dissident poursuit : « il crée un climat d’intimidation et de peur. Les Saoudiens sont réduits au silence, rien n’est transparent. Cela n’est pas la bonne recette pour réformer l’Arabie saoudite ». Des critiques acerbes de la part d’un Saoudien jusque-là réputé proche de la famille royale, lorsqu’il travaillait pour la chaine Al Arab News ou pour le journal saoudien Al Watan.

    L’ombre de Mohammed ben Salman

    Dès la disparition de Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 à Istanbul, la police turque enquête et révèle rapidement qu’un commando d’agents saoudiens a assassiné le journaliste et fait disparaitre son corps avant de fuir la Turquie. L’affaire a un retentissement mondial. À l’époque Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extra-judiciaire, Agnès Callamard mène sa propre enquête qui conclut à l’implication de l’État saoudien. « Sans l’ombre d’un doute » dit-elle à RFI, en détaillant « un plan très élaboré qui a nécessité une coordination considérable et de gros moyens financiers ». Jusque dans les aspects les plus sanglants de l’opération puisque « la présence du médecin légiste qui a démembré le corps indique sans aucun doute la planification ». Le rapport d’une centaine de pages va encore plus loin, en mettant en cause le Prince héritier d’Arabie Mohammed ben Salman, surnommé MBS.« Tous les responsables impliqués dans le meurtre de Jamal Khashoggi faisaient partie de l’équipe rapprochée du Prince héritier. S’il le savait mais qu’il n’a rien dit, sa responsabilité pénale est engagée. S’il l’a commandité, sa responsabilité pénale est encore plus engagée », explique Agnès Callamard.

    « Une justice non rendue »

    L’Arabie Saoudite rejette cette version et organise un procès à huis clos pour huit accusés qui officiellement auraient agi de leur propre chef. Plusieurs condamnations à mort sont prononcées, elles seront ensuite commuées en peines de prison. En 2019, le dossier est clos pour le royaume. À l’international, l’assassinat de Jamal Khashoggi assombrit l’image de Mohammed ben Salman… mais pas pour longtemps. Après l’avoir tenu à distance, Joe Biden pour les États-Unis, Emmanuel Macron pour la France comme d’autres dirigeants recommencent rapidement à fréquenter le puissant Prince héritier. D’autant que la guerre en Ukraine a remis l’Arabie Saoudite et son pétrole en position de force. Jamal Khashoggi, « c’est le symbole d’une justice non rendue, déplore Agnès Callamard, aujourd’hui Secrétaire Générale d’Amnesty International France, c’est le symbole de la mémoire courte des politiques, c’est le symbole du monde dans lequel nous vivons où il y a vraiment une tentative de mettre de côté tout ce qui concerne le respect du Droit international ». Agnès Callamard raconte avoir reçu des menaces de la part d’officiels saoudiens alors qu’elle menait son enquête.

    À lire aussiMeurtre de Khashoggi: une plainte contre le prince héritier saoudien classée sans suite par un juge américain

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  • Le journaliste malien Malick Konaté
    Jul 8 2024
    Menaces sur l'info, une série d'été sur les journalistes qui accomplissent leur travail en dépit des difficultés auxquelles ils sont confrontés : pressions politiques, menaces sécuritaires, guerres, dictatures, les entraves au travail des journalistes sont nombreuses, pourtant l'accès à l'information, et à une information fiable et indépendante, est peut-être plus nécessaire que jamais. Aujourd'hui, RFI vous propose le portrait du journaliste malien Malick Konaté. Ce dernier a, lui, été contraint à l'exil, pour sauver sa vie. Il vit actuellement en France. Rencontre. Lorsqu'il quitte Bamako, en septembre 2022, Malick Konaté pense que la mise au vert ne durera que deux ou trois mois. Le temps que la situation s'apaise, que les menaces cessent. Après la diffusion d'un reportage sur BFM-TV sur la présence au Mali du groupe Wagner, dont il n'est pas l'auteur mais pour lequel il a fourni des images, Malick Konaté est assailli d'injures et de menaces de mort, au téléphone et sur les réseaux sociaux. Sa voiture est caillassée par des hommes en cagoule. Actes commandés ou spontanés ? La vie de Malick Konaté est en danger. Cela va faire deux ans qu'il n'a pas revu son pays. Malick Konaté n'a reçu aucun soutien de BFM. « Les Maliens ont le droit de savoir ce qui se passe dans le pays »Fondateur de la chaîne d'info en ligne Horon TV, Malick Konaté poursuit, de Paris, son activité de journaliste. Notamment sur les réseaux sociaux : près de 176 000 abonnés sur X — anciennement Twitter — suivent ses révélations. Sur la rémunération des membres du Conseil national de transition, les arrestations de personnalités politiques, ou encore sur l'entreprise publique d'électricité EDM (Energie du Mali). À lire aussiArnaud Froger (RSF): «Le Sahel est en train de devenir le plus vaste trou noir de l'information»« C'est un devoir pour moi, revendique-t-il avec une fougue qui n'exclut pas l'humilité, c'est un métier que j'ai choisi. Je dois continuer à informer mes concitoyens, parce qu'ils ont le droit de savoir ce qui se passe dans le pays ». Une mission qu’il s’assigne avec d’autant plus d’abnégation qu'il connaît la situation de ses confrères restés au pays : « ce n'est pas facile, dans le Mali actuel, pour les journalistes. Soit tu suis la ligne, soit tu te tais, tu t'auto-censures. Ou il y a l'autre chemin, comme je l'ai fait : quitter le pays. Tout ce que je fais ici est lu à Bamako ! »« Que chacun joue son rôle »Malick Konaté continue de pouvoir compter sur d'innombrables contacts au Mali, qui lui permettent de recouper ses informations. Ses posts sur les réseaux sociaux, il les conclut systématiquement par cette expression en bambara : « Beki Take ». « Quand le Premier ministre Choguel Maïga a été nommé, explique Malick Konaté, j'ai constaté que toutes ses déclarations allaient à l'encontre de ce qu'il avait dit avant d'être nommé. Sur le pouvoir géré par les militaires par exemple. Tout ce qu'il avait dénoncé, il faisait la même chose. Donc je me suis dit : ce n'est pas 'Mali kote', ce n'est pas dans l'intérêt du Mali. 'Beki take', cela veut dire : que chacun joue son rôle. Si on arrive à jouer notre rôle pleinement, comme il se doit, je pense qu'on avancera. »Malick Konaté a reçu beaucoup de menaces. Des insultes aussi. La plus utilisée par les soutiens des militaires qui ont pris le pouvoir au Mali, mais aussi au Burkina ou au Niger, c'est « apatride ». Malick Konaté l'a malheureusement trop souvent lue ou entendue. « C'est de l'ignorance, relativise le journaliste. Dire que je ne suis pas d'accord avec la ligne des autorités de la Transition, cela ne veut pas dire que je suis un apatride. Je suis un citoyen malien et personne ne m'a vu un seul jour avec le drapeau d'un autre pays. Mais ceux qui me traitent d'apatride sont les mêmes qui aujourd’hui disent 'vive la Russie' et brandissent le drapeau russe. Moi je n'ai jamais dit 'vive la France' ni brandi le drapeau français. Aujourd'hui, certains de ceux qui me traitent d'apatride vivent ici (en France, ndlr). Moi, je n'ai pas choisi de venir en France, je suis là malgré moi. Je suis toujours Malien et fier d'être Malien ».Rentrer au MaliDepuis qu'il est en France, Malick Konaté a aussi repris des études : il suit une formation sur la transformation digitale des entreprises de communication. Pour se perfectionner, dans la perspective d'un retour au Mali... dès qu'il le pourra. « Si aujourd'hui on me donne l'opportunité, là tout de suite, je prends mes cliques et mes claques et je rentre à Bamako. Je suis là malgré moi, rappelle le journaliste. J'ai l'habitude de dire : un bon journaliste, c'est un journaliste en vie et en toute liberté. Si ta vie est menacée quelque part, il faut t'éloigner et continuer d'exercer ton métier, raison pour laquelle je suis là. Ça peut être tout de suite, dans dix ans ou dans vingt ans, conclut ...
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