Episodios

  • Yuri Nikolov, le poil à gratter du ministère de la Défense ukrainien
    Jul 25 2024

    Notre série estivale Menaces sur l'information nous emmène à Kiev. L'invasion russe met le journalisme ukrainien à rude épreuve. Sur fond de guerre, plusieurs journalistes d’investigation ont subi, ces derniers mois, des pressions et des intimidations. C’est le cas de Yuri Nikolov, fondateur d’un média d’enquêtes sur la corruption, qui a notamment mis au jour un scandale au sein des marchés publics de l’armée ukrainienne qui a fait grand bruit.

    En janvier dernier, des hommes en tenues noires, cagoulés, ont frappé violemment à la porte de l’appartement de Yuri Nikolov, le menaçant de l’envoyer au front. Le journaliste n’était pas chez lui ; seule sa mère, malade, était présente et s’en est sortie avec une grosse frayeur.

    Les visiteurs ont laissé des post-it sur la porte, avec les mots « provocateur », « traître », « resquilleur ». Selon le principal intéressé, un quart d’heure après les faits, une vidéo et des photos de la scène ont été publiés sur un canal Telegram anonyme, qui serait lié au bureau du président Zelensky, qu'il critique régulièrement.

    Persécutions en hausse depuis 2024

    À la suite de cet incident, une enquête a été ouverte pour entrave aux activités journalistiques, mais elle a été requalifiée, quatre mois plus tard, en affaire de hooliganisme, au grand regret de Pauline Maufrais, chargée de mission Ukraine à RSF, Reporters sans frontières :

    « Ça signifie que le fait qu'il a été intimidé comme journaliste n'est pas retenu dans l'enquête. C'est un nouvel exemple de ce que l'observe de plus en plus, notamment depuis janvier 2024, l'augmentation des pressions contre les journalistes d'investigation. On a compté au moins cinq journalistes qui ont été surveillés ou menacés en raison de leur travail ou de leurs publications sur la corruption. Ils continuent de faire leur travail, mais il y a une chape de plomb qui est plus ressentie maintenant qu'il y a un an. »

    Une résilience malgré un contexte de guerre

    Co-fondateur du site Nashi Groshi (« notre argent » en russe), un média membre du réseau mondial de journalisme d'investigation qui s'attache à dénoncer la corruption dans les marchés publics, Yuri Nikolov a révélé, entre autres, l'existence de contrats alimentaires frauduleux du ministère de la Défense.

    Ses enquêtes ont poussé à la démission du ministre de la Défense Oleksiy Reznikov. En dépit des tentatives d’intimidations subies par plusieurs journalistes, le travail d’investigation se poursuit en Ukraine, comme le souligne Pauline Maufrais :

    « On est très admiratifs de la résilience du paysage médiatique ukrainien en pleine guerre, du travail des journalistes d'investigation qui ont toujours continué à travailler. Dès le mois de mars/avril 2022, des journalistes d'investigation se sont spécialisés sur l'enquête des crimes de guerre commis par les forces armées russes. Mais en fait, assez rapidement, il y a eu des enquêtes publiées sur des sujets internes. Les médias d'investigation continuent de fonctionner, et, en même temps, c'est vrai que nous, depuis quelques mois, nous assistons à davantage de pression qui, pour l'instant, ne les empêche pas de publier. »

    En mars, l'université de Harvard a décerné son prix pour la conscience et l’intégrité dans le journalisme à Yuri Nikolov, qui, selon l’institution, a montré qu'un journalisme d’investigation indépendant et œuvrant pour le bien public était possible même dans un pays en guerre.

    À lire aussiUkraine: Volodymyr Zelensky limoge des responsables du recrutement militaire pour corruption

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    2 m
  • Sékou Jamal Pendessa: l'irréductible et surveillé syndicaliste, dit le «Général»
    Jul 24 2024

    En Guinée, la presse est malmenée de façon inédite depuis l'arrivée au pouvoir de la junte du CNRD. Médias fermés, radios brouillées, site d'informations et réseaux sociaux inaccessibles... autant de défis auxquels a dû faire face Sékou Jamal Pendessa, le sécrétaire général du Syndicat des professionnels de presse de Guinée (SPPG). Le journaliste syndicaliste, qui se dit toujours menacé, a plusieurs fois mené l'offensive contre les atteintes à la liberté d'informer, ce qu'il lui a valu un séjour en prison. Portrait.

    Avec ses joues creuses, sa veste sur le dos et le regard ombragé par son inséparable chapeau de paille, Sékou Jamal Pendessa ne pourrait passer inaperçu... même s'il le souhaitait !

    Le journaliste de 36 ans s'engage dans la défense de ses camarades dès le lycée. À l'université, il préside le comité d'organisation des toutes premières éditions du Forum national des étudiants, avant de devenir stagiaire puis rédacteur en chef au sein du groupe média « Gangan ».

    Informer sous la menace

    C'est son premier bras de fer avec le pouvoir : en 2017, une grève des enseignants frappe durement les écoles. Le président Alpha Condé menace publiquement de fermer les médias qui tendront leur micro au meneur syndicaliste Aboubacar Soumah. Seul Pendessa brave l'interdit : « Il disait qu'il ne pouvait pas rencontrer beaucoup de personnes, qu'il n'avait pas confiance, mais moi, je pouvais y aller seul. J'ai pris la caméra en tant que journaliste reporter d'image (JRI) et je suis allé l'interviewer. Je l'ai fait passer le même jour, mais voilà, mon média a été fermé pendant vingt-quatre heures, mais il fallait le faire pour que les autres osent ».

    En mai 2021, Pendessa devient secrétaire général du Syndicat des professionnels de presse de Guinée (SPPG). Trois mois plus tard survient le putsch du colonel Mamadi Doumbouya. L'espoir laisse place à une nouvelle déception avec le brouillage des radios et la restriction d'internet et des réseaux sociaux.

    Tentative d'enlèvement

    Avec les associations de presse, le SPPG organise en mai 2023 une « Journée sans presse » que même le média d'état RTG va suivre : « Beaucoup ont pensé à la suspension des programmes en se disant :"On balance tout court la musique", mais j'ai dit non, qu'il fallait éteindre complètement. C'est là que la SPPG, avec son secrétaire général, a joué un grand rôle ».

    Mais la répression s'accentue. En janvier dernier, celui que l'on surnomme désormais « Général » appelle à manifester : « À la veille de notre manifestation, j'ai échappé à un kidnapping. Le jour de la manifestation, nous avons été séquestrés toute la journée à la maison de la presse. À notre sortie, à 20 heures, je ne suis pas allé à la maison, j'ai envoyé une délégation à la gendarmerie pour négocier la libération de neuf journalistes. Moi, je m'en allais avec quelques membres du syndicat pour retourner à mon bureau. C'est en cours de route que j'ai été arrêté. »

    Agents secrets armés

    Le syndicaliste passera un mois et demi en prison. Une grève générale lancée par les principales centrales du pays conduira à sa libération, malgré une condamnation pour « attroupement non autorisé et trouble à l'ordre public ».

    Mais Pendessa se sait surveillé en permanence, parfois même jusque dans la Maison de la presse : « Ils sont rentrés, malheureusement, jusque dans la salle de conférence, en faisant semblant, comme s'ils étaient des journalistes... mais on se connaît entre nous. Ils ont finalement dit qu'ils étaient des agents secrets. Certains avaient des armes sur eux ! »

    Sékou Jamal Pendessa affirme que sa rue « est l'une des plus surveillées de Conakry », ce qui ne l'empêchera pas de poursuivre sa lutte en faveur de la presse.

    À lire aussiEnlèvement de Foniké Menguè et Billo Bah en Guinée: le gouvernement n'a «aucune nouvelle», selon Ousmane Gaoual Diallo

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    3 m
  • Dom Phillips, mort pour l’Amazonie
    Jul 23 2024
    Dom Phillips, journaliste britannique, a été tué en 2022 à l’âge de 57 ans en Amazonie brésilienne avec son guide Bruno Pereira. Il était un fervent défenseur du rôle des peuples autochtones dans la sauvegarde de l’Amazonie. Ses enquêtes dénonçaient la déforestation et l’inaction de Jair Bolsonaro, le président au moment de sa mort. La scène se déroule en 2019, à Brasilia, au bureau de presse du Palacio do Planalto. Dom Phillips, micro à la main, interroge Jair Bolsonaro, le nouveau président brésilien, sur la déforestation croissante en Amazonie : « Comment comptez-vous montrer au monde que votre gouvernement est réellement préoccupé par la préservation de l’Amazonie ? ». Jair Bolsonaro lui répond d’un ton sec : « Vous devez comprendre que l’Amazonie appartient au Brésil, elle n’est pas à vous ».Pourtant, l’Amazonie, Dom Phillips en est amoureux. Celui qui a sillonné le Brésil pendant près d’une quinzaine d’années est correspondant pour le Washington Post, le Guardian ou encore le Times. Sa mission : raconter la forêt amazonienne, « le poumon de la terre » à travers les histoires de ceux qui y habitent.En juin 2022, avec son guide Bruno Pereira, expert des peuples indigènes, il se lance dans une expédition au cœur de la vallée du Javari, une des zones forestières les plus denses du monde, mais surtout réputée pour être très dangereuse en raison des trafics liés à la drogue, l’orpaillage, mais aussi la pêche illégale contre laquelle luttent les populations autochtones. Dom Phillips veut faire de cette enquête un livre. Il l’appellera Comment sauver l’Amazonie ? Demandez à ceux qui savent.Une rencontre qui tourne malParler aux concernés est un principe fondamental pour Dom Phillips, comme l’explique son collègue et ami Jonathan Watts, journaliste au Guardian : « Dom ne voulait pas se contenter de blâmer un groupe ou un autre, il est donc allé voir les indigènes pour savoir comment ils étaient affectés par la pêche illégale, ensuite, il est allé parler aux pécheurs pour comprendre pourquoi ils faisaient ça ». Cette rencontre tourne mal. Pendant plusieurs jours, aucune nouvelle des deux amis. Des équipes partent à leur recherche, leurs corps sont alors retrouvés démembrés, brûlés et enterrés dans une zone marécageuse des rives du fleuve Itacoai.À lire aussiHommages au journaliste britannique et à l'expert brésilien assassinés il y a un an en AmazonieDeux ans après les meurtres de Dom Phillips et Bruno Pereira, sept personnes ont été inculpées, mais aucune n’a été jugée. Leur procès a déjà été reporté à deux reprises et aucune date n’a pour l’instant été fixée. Le commanditaire, à la tête d’un réseau criminel de pêche et de chasse illégale, est en prison préventive, mais toujours pas mis en examen.Pour Artur Romeu, directeur du bureau Amérique latine de Reporter sans frontière à Rio de Janeiro, le président de l’époque, Jair Bolsonaro, a une responsabilité indirecte dans la mort du journaliste : « Le fait qu’un président prononce un discours virulent, négationniste vis-à-vis des enjeux climatiques met en danger les journalistes. Jair Bolsonaro a lui-même accusé Dom Phillips et Bruno Pereira d’être des aventuriers qui auraient dû redoubler de précautions. Donc il y a vraiment une minimisation de l’affaire ».Recul de la liberté de la presse en AmazonieDepuis la mort des deux hommes, 85 cas d’atteinte à la liberté de la presse ont été comptabilisés en Amazonie. Cette affaire a fait la Une des journaux occidentaux, car Dom Phillips était un journaliste étranger blanc, mais son ami Jonathan Watts est formel : « Beaucoup de défenseurs du climat ou des journalistes brésiliens sont tués pour défendre l’environnement et personne n’en parle. Connaissant Dom, il aurait aimé que l’attention qu’il a eue soit la même pour les autres ».Les articles de Dom Phillips auront documenté la déforestation dans la forêt Amazonienne avec précision. Au moment de sa mort, il restait un tiers de son livre à écrire. Ses amis et collègues travaillent ensemble pour le terminer : « C’est un symbole de la solidarité journalistique. Nous faisons ça pour montrer que même si vous tuez le journaliste, vous ne pouvez pas tuer son travail et mettre sous silence la vérité ». La parution du livre est prévue en avril 2025.À lire aussi«Ils allaient me tuer»: Daniel Mendoza Leal, le journaliste colombien qui se dresse contre Alvaro Uribe
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  • Les journalistes menacés par le conflit au Soudan
    Jul 22 2024

    Troisième semaine de notre série Menaces sur l’Info, consacrée aux journalistes qui accomplissent leur travail, partout dans le monde, en dépit des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Aujourd'hui, nous partons pour le Soudan où, depuis plus de 15 mois, deux forces armées s'affrontent pour le pouvoir. Le conflit d'une violence incroyable, entre l'armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, a provoqué le déplacement de plus de 10 millions de personnes. Il est très peu médiatisé, d'autant plus qu'il ne reste plus beaucoup de journalistes pour couvrir cette guerre.

    Le 4 juin 2024, le journaliste soudanais Muawiya Abdel Razek est assassiné à son domicile dans la capitale Khartoum, abattu par des paramilitaires, lui et trois membres de sa famille. Selon le Syndicat des journalistes soudanais, au moins sept journalistes sont décédés depuis le début du conflit. Un chiffre certainement bien en deçà de la réalité, ajoute ce syndicat, tellement il est difficile d'évaluer le nombre de victimes dans cette guerre.

    Comme des dizaines de milliers de Soudanais, les journalistes ont, eux aussi, pris le chemin de l’exil. Il ne reste probablement qu’une dizaine de journalistes dans la capitale, explique Hassan Ahmed Berkia, membre du syndicat des journalistes soudanais, en exil aux Émirats arabes unis : « Tout d’abord, il est difficile de vivre à Khartoum… il n’y a pas de travail, tous les journaux de presse écrites ont été fermés et détruits. Et pour ceux qui peuvent encore travailler comme journaliste, c’est dangereux, il y a des raids aériens, des bombardements et les deux camps vous prennent pour cible. Les paramilitaires vous accusent de soutenir l’armée, et l’armée vous accuse de soutenir les FSR ».

    « C'est parfois très dur »

    La plupart des journalistes encore présents à Khartoum travaillent pour la presse internationale. À l’instar d'Hassan Migdad, reporter pour la chaine d’informations saoudienne al Arabiya. Il travaille et vit dans son bureau, où il a encore accès à internet via satellite, dans un immeuble situé dans le centre-ville, une zone contrôlée par les FSR.

    « Depuis le toit de l’immeuble, nous pouvons voir toutes les opérations militaires. Quand l’armée fait de raids sur les Forces de soutien rapide, quand les paramilitaires tirent des missiles antiaériens. On peut couvrir ces opérations sans sortir. Mais pour la situation humanitaire là, il faut aller voir. Nous ne sortons pas tous les jours, car il y a beaucoup de barrages, tenus par les FSR. Et c'est impossible de traverser la ville et d'aller d’une zone contrôlée par les FSR à une autre zone contrôlée par l’armée. C’est une zone de guerre ! Parfois, nous obtenons un accès, en négociant auprès des militaires. Par exemple, en janvier, nous avons pu visiter le palais présidentiel au centre-ville. Nous devons sécuriser tous nos déplacements en amont. Et une fois que nous avons les autorisations, nous prenons notre courage à deux mains et on y va ! Une fois à l’extérieur, nous sommes absolument seuls, sans accès ni à internet, ni à nos téléphones », raconte-t-il.

    Avant la guerre, Hassan Migdad était pharmacien. Rien ne l'avait préparé psychologiquement à couvrir ces événements, « c'est parfois très dur », avoue-t-il.

    « Couvrir ce conflit est complexe », explique Hassan Ahmed Berkia, du syndicat de la presse, pour des journalistes, qui n'ont ni formation, ni sécurité et sont totalement dépendants des belligérants pour accéder à l'information.

    À lire aussiLiberté de la presse: au Soudan, le conflit rend le travail des journalistes périlleux

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  • Max Lagarrigue, journaliste français devenu la cible d'un éleveur du Tarn-et-Garonne
    Jul 19 2024
    Dans notre série d'été « Menaces sur l'information », nous décryptons les pressions que subissent les journalistes dans les différents pays du monde. En France, ces pressions sont de l'ordre du judiciaire ou du financier le plus souvent. Mais Max Lagarrigue, journaliste local, est, lui, victime de cyberharcèlement et menaces de mort, venant de groupuscules d'extrême droite. En pratiquant son métier, il est devenu la cible d'un éleveur du Tarn-et-Garonne, au point de faire appel à la protection policière. Le 25 juin dernier, le journaliste Max Lagarrigue arrive au tribunal entouré de six policiers. Il est partie civile et accuse Pierre-Guillaume Mercadal, éleveur porcin, de harcèlement. Il n'est pas le seul sur le banc des victimes présumées : deux maires du Tarn-et-Garonne ainsi qu'une policière ont aussi porté plainte. Proche des cercles identitaires, l'agriculteur a mobilisé des soutiens sur internet concernant une affaire de voisinage. La dispute prend des proportions insoupçonnées et le journaliste qui relate les rebondissements se retrouve dans la tempête. Personnellement visé dans les vidéos postées par Pierre-Guillaume Mercadal, Max Lagarrigue est harcelé, intimidé, et même sa famille est affectée. Le procureur a requis 11 000 euros d'amende et huit mois de prison en sursis contre l'éleveur pour harcèlement en récidive et outrage. La décision finale sera prononcée le 26 juillet. Une querelle de clocherTout part d'une guerre de chemin, une querelle de clocher dans une campagne française, celle du Tarn-et-Garonne, plus précisément dans la commune de Montjoi. C'est une dispute sur l'utilisation d'un chemin qui oppose un éleveur de cochons, Pierre-Guillaume Mercadal, à son voisin anglais. Le maire soutient la version du voisin. Un litige qui aurait pu rester anecdotique. Mais c'est sans compter l'intervention de Papacito, youtubeur d'extrême droite qui publie deux vidéos sur le sujet : « Le Paysan, le Maire et le Lord », ainsi que « La fouine de Montjoi », du surnom qu'il donne au maire. Des contenus prenant clairement parti pour l'éleveur porcin et menaçant l'élu de viol et de mort.Dans le cercle des « lol fafs », c'est-à-dire les groupuscules d'extrême droite reprenant les codes de l'humour sur internet, ces vidéos ont l'effet d'une bombe. Elles sont visionnées plusieurs centaines de milliers de fois. C'est le début de « l'arche de Montjoi ». Pierre-Guillaume Mercadal va aussi faire ses propres vidéos, communicant principalement sur le réseau social TikTok.Les fans de Papacito, très actifs sur internet, vont alors cyberharceler le maire de Montjoi. Une campagne qui concerne aussi le journaliste Max Lagarrigue, qui travaille au quotidien local La Dépêche du Midi et qui a relayé l'affaire dans ses pages. Visé nommément dans les vidéos, le journaliste se retrouve dans un tourbillon de menaces qui inondent sa messagerie. Il décide de porter plainte pour harcèlement. Pierre-Guillaume Mercadal ayant déjà été condamné pour le même motif, c'est accusé de harcèlement en récidive et d'outrage que l'éleveur comparaît le 25 juin.« Regarde bien ma tête, parce que ça va aller vite »Sur Instagram, un compte avec pour photo de profil un homme tirant au revolver envoie ce message : « Tic tac tic tac, attention le collaborateur. J’ai hâte qu’on se rencontre. Regarde bien ma tête, parce que ça va aller vite. » Des menaces qui font hésiter le journaliste. Est-ce trop risqué d'aller à l'audience ? Finalement, il s'y rend, mais entouré de six policiers. Une escorte qui l'a rassuré devant son comité d'accueil aux portes du tribunal : des militants de la Coordination rurale, syndicat agricole proche de l'extrême droite. Selon le journaliste, ils étaient une quarantaine. La protection policière, il y est habitué : son domicile est sous surveillance depuis janvier. Un climat délétère, qui touche aussi la sphère familiale. Son histoire suscite l'émoi dans la profession : la fondation européenne des journalistes s'inquiète de la recrudescence des attaques en France contre ses journalistes. Max Lagarrigue s'est plusieurs fois demandé s'il n'allait pas arrêter de travailler sur le dossier. La réponse est non. Il continue à publier les articles décrivant le personnage de Pierre-Guillaume Mercadal, malgré une nouvelle vidéo postée fin juin par l'éleveur : en tout, le journaliste a signé une dizaine d'articles sur lui, récemment une enquête sur ses cagnottes en ligne, des fonds de plus de 800 000 euros récoltés auprès de ses soutiens dans les communautés d'extrême droite. Selon l'article de Max Lagarrigue, l'éleveur utilise cet argent pour agrandir sa propriété et vise le rachat de la maison de son voisin, et donc du fameux chemin. L'agriculteur dément sur TikTok, tout en appelant ses fans à ne pas harceler les personnes qu'il vise dans ses vidéos. Histoire de ne pas risquer plus ...
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  • La journaliste nigérienne Samira Sabou, une carrière qui met en lumière les travers de la gestion de l'État
    Jul 18 2024

    Notre série Menaces sur l'information nous emmène aujourd'hui à Niamey. Le Niger a connu un coup d'État il y a un an, le 26 juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Dans la foulée de la prise du pouvoir par les militaires, la diffusion de RFI et de France 24 a été coupée dans le pays. Dans son dernier rapport, l'ONG Reporters sans frontières voit dans le coup d'État le catalyseur de violations de la liberté de la presse. Et cite par exemple le cas de Samira Sabou, arrêtée fin septembre.

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  • Evan Gershkovich, journaliste américain accusé d'espionnage en Russie
    Jul 17 2024
    Une nouvelle audience est prévue ce jeudi 17 juillet à Ekaterinbourg en Russie pour Evan Gershkovich, le journaliste américain qui encourt jusqu'à 20 années de prison pour des accusations d’espionnage. Âgé de 32 ans, Evan Gershkovich travaillait pour le Wall Street Journal lorsqu’il a été arrêté par les services de sécurité russes. L’issue de son procès ne fait guère de doutes, mais le journaliste pourrait faire l’objet d’un échange de prisonniers entre Moscou et Washington. C’est le 30 mars 2023 qu’Evan Gershkovich est arrêté par les agents du FSB. Le journaliste américain se trouve alors dans l’Oural, où il enquête sur l’économie de guerre mise en place par la Russie après l’invasion de l’Ukraine. Pour cette enquête, Evan Gershkovich s’est notamment rendu dans la ville de Nijni Taguil, où se trouvent plusieurs usines d’armement.C’est ce qui lui est reproché par les enquêteurs du FSB, qui l’accusent d’avoir recueilli des informations secrètes sur les industries de défense pour le compte de la CIA. Des accusations qui n’ont été à ce jour étayées par aucune preuve, et qui semblent absurdes à tous les journalistes qui ont côtoyé Evan Gershkovich depuis son arrivée en Russie. « Lorsque je l’ai rencontré en Russie, la première chose que j’ai remarquée, c'est qu’en tant que journaliste, et bien qu’il soit étranger, nous étions sur la même longueur d’ondes, raconte la journaliste russe Maria Borzunova, aujourd’hui installée en Allemagne. … Il était curieux de tout, et il voulait montrer la réalité de ce qui se passait en Russie. »À lire aussiRussie: ouverture du procès du journaliste américain Evan GershkovichEvan Gershkovich est âgé de 25 ans lorsqu’en 2017 il s’installe en Russie pour y travailler comme journaliste. Issu de parents russes et ukrainiens réfugiés aux États-Unis à la fin des années 1970, il parle couramment le russe. Il travaille d’abord pour le Moscow Times, et s’illustre notamment lors du Covid-19 pour ses enquêtes sur la pandémie en Russie. Il intègre ensuite l’AFP, puis le Wall Street Journal et décide, après le déclenchement de la guerre en 2022, de rester en Russie. « Moi et les autres journalistes russes qui ont dû quitter le pays, nous avons compris qu’il n’était plus possible pour nous de travailler en Russie, se souvient Maria Borzunova. Mais nous pensions que pour un journaliste étranger, cela pouvait être possible. Maintenant, nous savons que c’est également dangereux, même pour un journaliste officiellement accrédité auprès du ministère russe des Affaires étrangères. Mais pour Evan, c'était très important, malgré le risque, de montrer ce qui se passait. »Échange de prisonniers ?Après son arrestation, Evan Gershkovich est incarcéré dans la sinistre prison de Lefortovo près de Moscou, puis il est transféré dans l’Oural où il doit être jugé. La sentence encourue est lourde, jusqu’à vingt années de prison.Cependant, d’après ses avocats, sa famille et ses amis, il s’efforce de ne pas perdre d’espoir. « Evan est la personne la plus forte que je connaisse, souffle Maria Borzunova. Bien sûr, cela fait plus d’un an maintenant qu’il a été arrêté. Et c’est un journaliste, il ne devrait pas être en prison ! Mais il essaie de rester fort, malgré les circonstances. »Evan Gershkovich est devenu le premier journaliste occidental depuis la fin de la Guerre froide à être accusé d’espionnage par la Russie. Et, comme à l’époque de la Guerre froide, il pourrait faire l’objet d’un échange de prisonniers, entre Moscou et Washington.Le président russe Vladimir Poutine a déjà reconnu que des négociations étaient en cours, et sous-entendu qu’il demandait en échange la libération de Vadim Krassikov, un ressortissant russe condamné en Allemagne pour l’assassinat d’un exilé tchétchène à Berlin en 2019. En attendant un éventuel accord entre les autorités russes et américaines, sur le modèle de l’échange effectué en décembre 2022 entre la basketteuse Brittney Griner et le marchand d’armes Viktor Bout, Evan Gershkovich devra suivre les audiences de son procès… sans trop se faire d’illusion sur le verdict. Car, en Russie, la quasi-totalité des procédures judiciaires se terminent par une condamnation.
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  • Huang Xueqin, «coupable» d’avoir lancé #MeToo en Chine
    Jul 16 2024

    Son travail a contribué à la libération de la parole sur les harcèlements sexuels au travail en Chine : Huang Xueqin a été victime de la répression de la liberté d’expression. Condamnée à cinq ans de prison en juin pour « tentative de subversion au pouvoir de l’Etat », cette journaliste indépendante a bravé la censure pour faire évoluer les mentalités.

    Le parcours de Huang Xueqin est celui d’une femme désabusée par l’état de la presse dans son pays. Née en 1988, elle débute d’abord sa carrière dans les grands médias officiels de sa province du Guangdong. Une expérience qui, selon ses mots, lui a permis d’être « témoin de la fin de l’âge d’or » des médias. « J’ai vu la liberté d’expression supprimée, les discours être contrôlés », confiait la jeune femme dans un podcast en 2021. Des mots prononcés quelque temps seulement avant son arrestation le 19 septembre de cette même année. Elle devait se rendre au Royaume-Uni pour débuter un master sur les études de genre à l’université de Sussex.

    À lire aussiChine: une journaliste féministe et un militant inculpés pour «incitation à la subversion de l'État»

    Une progression logique tant le sujet des violences faites aux femmes a été central dans sa carrière. Elle-même victime de harcèlement sexuel, Huang Xueqin a lancé, après un voyage à Singapour, une plateforme permettant aux femmes de mettre en avant leur témoignage. « Je me suis dit que pensent les victimes chez nous en Chine ? Alors, j'ai lancé un questionnaire sur le harcèlement sexuel que subissent les femmes journalistes, raconte Huang. En deux jours j’ai reçu 169 réponses. Et 69 personnes ont accepté de partager leurs histoires avec moi ».

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    Les témoignages font mouche et se répandent sur le réseau social Weibo, sorte d’équivalent de X en Chine. Cela contribue à l’ouverture d’un débat dans une société chinoise toujours très patriarcale. En 2022, les autorités finissent même par durcir la loi sur le harcèlement sexuel au travail. Malgré l’influence de son travail, elle entre dans le viseur des autorités, notamment pour sa couverture des manifestations pro-démocratie à Hong-Kong. La reprise en main de l’ancienne colonie britannique est un sujet particulièrement sensible à Pékin qui vaut à la jeune journaliste de passer trois mois derrière les barreaux. Même si comme le concède Renee Xia, directrice de China Human Rights defenders : « Il est difficile de savoir quand on dépasse la ligne rouge en Chine. Il y a une volonté assez claire de réprimer toute forme de société civile qui sort du contrôle du parti ».

    L’émergence d’un mouvement #Me too#, bien que pris en compte dans son agenda politique par les autorités, a visiblement déplu au parti. Après son arrestation en 2021, elle passe près de 1 000 jours en isolement avant son procès. En juin, elle est jugée en compagnie d’un militant du droit des travailleurs, Wang Jianbing, également connu pour son travail en faveur des femmes victimes de harcèlement sexuel. Tous deux ont été condamnés pour « tentative de subversion au pouvoir de l’Etat ». Un chef d’accusation qui a valu cinq ans de prison à Huang et trois ans et demi pour Wang.

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