• Le Monde, tel qu'il est…
    Jul 6 2024
    En attendant les Jeux Olympiques, le football, pour encore une bonne semaine. La pelouse verte est un tel espace de vérité et de justice ! Bonnes vacances sportives… Depuis bientôt un mois, les amateurs de football ont droit à du beau spectacle, sur les pelouses d’Allemagne, où se déroule l’euro 2024. À neuf jours de la finale, dimanche 14 juillet, pourquoi donc insister plutôt sur la diversité dans la composition des sélections nationales ?Parce que le visage qu’offrent les équipes dit beaucoup de ce que le football apporte à chaque société, comme de leur histoire, et même de leur esprit d’ouverture. Un diplomate occidental aux Nations unies a eu, il y a quelques années, un échange violent avec Trevor Noah, célèbre humoriste de la télévision américaine, un Sud-Africain qui s’était permis de relever que la victoire de telle équipe européenne à la Coupe du monde de football était aussi la victoire de l’Afrique, parce que cette sélection comptait de nombreux joueurs d’origine africaine.Lorsque nous célébrons Jamal Musiala, Leroy Sané, Serge Gnabry, Nico Williams, Ansu Fati, Cody Gakpo, Ousmane Dembélé ou quelque autre star du ballon rond, nous ne célébrons pas que la Suisse, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France. Nous célébrons aussi le Nigeria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, le Cameroun, la RD Congo, le Togo, le Mali... Chacun fera les tris qui l’intéressent. Mais le sport ne devrait pas souffrir des distinctions entre les sportifs et leur histoire personnelle.D’aucuns vous rétorqueront qu'il s'agit, là, de citoyenneté, et qu'il n’y a pas à se prévaloir de ses origines plus ou moins lointaines pour se distinguer…Il se trouve que l’histoire de chacun a ses complexités. Combiens d’admirateurs de l’international espagnol Nico Williams savent qu’à leur arrivée en Espagne, les parents ghanéens de celui-ci ont d’abord été emprisonnés, pour cause d’absence de papiers, avant d'obtenir l’asile ? Le futur footballeur, lui, était en gestation, dans le ventre de sa mère. On les aurait renvoyés au Rwanda où dans un quelconque centre de tri, dans le désert, que cet excellent footballeur nous aurait manqué, hier, tant il a fait trembler la défense allemande, durant la première mi-temps du match qui opposait sa patrie, l’Espagne, à la Nationalmannschaft.À lire aussiEuro 2024 : après les huitièmes, le bilan !Si le football est si plaisant à regarder, c’est parce que c’est un des rares milieux où l’on privilégie ce que valent les joueurs à l'endroit d’où ils viennent. Aucune histoire personnelle n’est banale.Nombre de leurs parents viennent des anciennes colonies. C'est donc le fruit de l’histoire. Pourquoi la réécrire ?De plus en plus de parents viennent de pays qui n’ont aucun lien historique ou colonial avec les nations dont leurs enfants portent le maillot. Un joueur d’origine nigériane, en Allemagne, n’est pas là parce que l’Allemagne a colonisé le Nigeria. Non, il est là parce que ses parents, un jour, ont choisi de s’installer en Allemagne, et que l’Allemagne les a accueillis. Qui remercier, sinon le peuple généreux qui a accueilli le père ?Il est exact qu'autrefois, la diversité dans les sélections se limitait à quelques ressortissants des anciennes colonies. Ainsi, recensait-on, dans l’équipe des Pays-Bas, nombre de joueurs originaires ou descendants de parents issus des îles que l’on appelait naguère les Antilles néerlandaises (Surinam, Aruba, etc.). L’Angleterre alignait, notamment, des joueurs venant pour la plupart de l’Empire britannique, du Commonwealth. C'est l'époque où Marius Trésor était pratiquement l'unique figure « black » de l’équipe de France. Dans l’équipe nationale belge, il y avait, comme encore parfois, aujourd'hui, des joueurs issus de pays comme la RDC, l'ex-Congo belge.Mais, ces dernières décennies, le lien historique a, presque partout, fait place à une tout autre diversité. Ils sont les enfants d’Africains établis dans les pays pour lesquels ils jouent, sans aucun rapport avec l’histoire coloniale. Parfois, ce sont des enfants de couples mixtes. Il arrive même que des jeunes enfants, nés dans un lointain pays d'Afrique, endossent le maillot (de la Suisse, par exemple), juste parce que leurs parents se sont établis dans la Confédération helvétique, après leur naissance. Tout cela fait un beau mélange, qui peut parfois déplaire, mais est aussi, souvent, merveilleux.À lire aussiEuro 2024: la France bat le Portugal aux tirs au but et rejoint l'Espagne en demi-finale
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  • Biden confronté à un choix historique
    Jun 29 2024
    L'état dans lequel se trouvait le président sortant des États-Unis, ce jeudi, est un cadeau inespéré pour son tristement célèbre prédécesseur et adversaire. L'option d'un retrait serait un service à son peuple et à l'humanité. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité. Joe Biden, qui s’embrouille dans ses réponses, mais refuse obstinément d’accepter que ses forces l’abandonnent, au point d’offrir les clés de la Maison Blanche à un Donald Trump incapable d’accepter une défaite électorale, et qui, à coups d’affirmations fantaisistes, prend de surprenantes libertés avec la vérité. Tel était le décor du premier débat de la présidentielle de novembre prochain, aux États-Unis. Quels signaux reçoit ainsi l’Afrique de la démocratie américaine ?Depuis que Donald Trump a lâché ses partisans à l’assaut du Capitol, en janvier 2021, la démocratie américaine a cessé d’impressionner en Afrique. Trump a même failli rabaisser les États-Unis au rang de ces républiques bananières que lui-même méprise tant. Il n’empêche. Bien des tares, que l’on déplore régulièrement dans la vie politique, en Afrique, ne paraissent plus improbables, en Amérique ou dans certaines grandes démocraties. Ainsi, lorsque Joe Biden, manifestement diminué, sans plus assez de lucidité pour admettre qu’il serait peut-être temps pour lui de passer la main, certains, en Afrique, se demandent ce qui le différencie de Robert Mugabe, même s’ils n’ont rien en commun, dans la pratique du pouvoir. Quant à Donald Trump, qu’aurait l’aplomb avec lequel il assène les approximations à envier à certains despotes d’Afrique ou d’ailleurs ?Le pire, ici, est que Biden, inconsciemment, est en train de faciliter le retour de Trump à la Maison Blanche. Ce serait l’ultime preuve que très peu de démocraties, aujourd’hui, sont à l’abri d’un recul brutal. Surtout dans un monde où nombre d’électeurs, d’insatisfactions en déceptions dues aux politiciens, n’hésitent plus à faire, quand bon leur semble, un usage capricieux de leur bulletin de vote.Aux États-Unis, au moins, certains leaders amis de Biden disent tout haut qu’il serait bon qu’il s’éclipse…Mais, comme en Afrique, il est aussi des partisans ou courtisans qui n’osent pas dire la vérité à ce leader qui sombre dans un naufrage évident. Par tendresse ou par calcul, certains tentent de faire croire qu’il pourrait, demain, retrouver la vigueur qu’il faut pour rassurer les Américains. Et pourtant, à vue d’œil, celle-ci l’abandonne, de jour en jour. C’est comme cela qu’en Afrique, des dirigeants fatigués, sinon finis, s’accrochent, envers et contre tout. Certes, aux États-Unis, les institutions fonctionnent. Mais les questionnements qui découlent du débat de ce jeudi n’interpellent pas que le présent. C’est aussi, surtout l’avenir qui est en cause. Et l’on imagine comment Joe Biden pourrait, durant les quatre prochaines années, retrouver la vigueur qui semble l’abandonner jour après jour. Après tout, aux États-Unis, le président de la République est d’abord le commandant en chef des armées. Convenir qu’il est durablement diminué n’est pas de la malveillance, mais juste ne pas parier sur l’incertitude, par rapport aux charges de leader du monde libre.Et c’est ici que ce qui peut être considéré comme un problème typiquement américain devient une source de cauchemars pour la planète. Dans son déni de tout, Donald Trump a laissé croire que Biden était en train de précipiter l’humanité vers une troisième guerre mondiale. Et si c’était lui-même, au cas où il retournerait à la Maison Blanche ? Joe Biden, en cédant la place à un candidat plus solide, rendrait un service à son peuple, et à la terre entière, dans un monde guetté par tant de dangers.Barack Obama a pourtant fait valoir que les débats décevants font partie de la vie politique.Un débat voulu et longuement préparé par Biden. Ses propres médecins ne peuvent assurer que le naufrage du temps l’épargnera moins au fil de la campagne. Ni même si l’un et l’autre arriveront à l’élection. Se convaincre qu’il y aura des jours meilleurs, c’est se mentir. Et c’est au nom de tous que parlent tous ceux qui demandent aux démocrates de se trouver un candidat plus convaincant. Et s’il avait le courage de l’accepter, Joe Biden pourrait entrer dans l’Histoire, comme y est entré, pour toujours, Lyndon Baines Johnson, en renonçant à un second mandat qui aurait mis parti en lambeaux. Les Américains, aujourd’hui encore, considèrent « LBJ » comme un des plus grands présidents de l’histoire des États-Unis d’Amérique. En politique, il faut, parfois, savoir perdre un peu, pour gagner l’immortalité.À Joe Biden, comme à Donald Trumps, on a envie de dédier ces quelques injonctions, tirées de l’hymne de...
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  • Devine qui vient dîner?…
    Jun 22 2024

    Dans ce monde où plus aucun peuple ne se suffit à lui, tout seul, des rapports apaisés, mutuellement profitables, sont, de loin, plus intéressants que les tensions permanentes, qui transforment peu à peu certains peuples du continent en parias.

    Ce n’est certainement pas la destination vers laquelle les Sénégalais s’attendaient à voir leur nouveau président se diriger pour sa première sortie hors d’Afrique. Bassirou Diomaye Faye était, cette semaine, à Paris. Au Forum mondial pour l'innovation et la souveraineté vaccinales, mais aussi pour une première rencontre avec son homologue français, Emmanuel Macron. N’est-ce pas plutôt surprenant ?

    Pourquoi le serait-ce ? L’opposant est désormais un chef d’État, élu par son peuple. Il n’a ni volé les élections ni braqué quelque fourgon. Et, jusqu’à nouvel ordre, la France est un des principaux partenaires de son pays. Il était donc véritablement dans son rôle de chef d’État, à Paris, et c’est bien mieux, pour le Sénégal, que s’il avait pris prétexte des petites inimitiés passées avec Emmanuel Macron pour oublier d’assumer sa charge. Après tout, il s'agissait bien de vaccins ! Et, pour son peuple, pour sa patrie, il était bien qu’il soit là. D’autant que toute l’Afrique aime contempler les premiers pas, sur la scène internationale, de ces dirigeants auréolés d’une réelle légitimité du suffrage universel. Aux imposteurs et autres usurpateurs, qui aiment tant ravir la vedette aux peuples du continent, les Africains ont déjà donné !

    Dans bien des pays, la mode, aujourd’hui, est d’être sur le ring avec tous ceux que l’on n’aime pas ou que l’on déteste. Etre en guerre contre toute la terre est, pour certains, un stimulant ! Comme si, pour exister, il leur fallait toujours affronter quelqu’un. Ou alors, ils somment les autres de les aimer et de les respecter, en oubliant, eux-mêmes, d’inspirer le respect.

    Les Sénégalais ne risquent-ils pas d’assimiler ce séjour parisien à une forme de ralliement ou de capitulation ?

    Ni ralliement ni capitulation. Chinois et Américains ne s’aiment, par exemple, pas ! Enfin, pas vraiment. Mais ils discutent et échangent en permanence. Et, pendant longtemps, les Chinois ont même figuré parmi les plus gros détenteurs de bons du Trésor américain. Si les États-Unis avaient été une entreprise cotée en bourse, une part considérable des actions de ladite société serait détenue par la Chine. Oui, les États peuvent faire affaire sans s’aimer d’amour fou ! Et si le besoin de sans cesse toiser quelqu’un, pour montrer que l’on existe, trahissait juste un pitoyable manque de confiance en soi ? La France est, pour le Sénégal, un partenaire de toujours, comme il en compte d’autres, et peut s’en trouver d’autres encore. Mais à quoi sert-il de rompre avec certains, pour, ensuite, se retrouver dans une posture encore moins confortable avec d’autres, qui, eux aussi, ont leur part d’impérialisme, de dédain, sinon de brutalité ? Tant de peuples prospèrent, aujourd’hui, en n’ayant que des amis, quitte à doser leur proximité avec tel ou tel, au gré des circonstances.

    Venant du corps de l’État d’où ils viennent, Diomaye Faye et Ousmane Sonko savent tout du déséquilibre, depuis des lustres, de la balance des paiements du Sénégal. Peut-être cela changera-t-il avec la manne pétrolière et gazière. En attendant, se couper d’une des sources traditionnelles de soutien ne serait qu’une aventureuse carence de lucidité, que ne peut justifier aucune rancune du passé.

    Une frange de leurs militants voudra pourtant comprendre pourquoi leur président, soudain, est si conciliant…

    Parce qu’il est, justement, président du Sénégal, et plus uniquement des seuls militants qui répondaient naguère à leurs appels à la rue. Autant les invectives et autres discours d’hostilité peuvent, éventuellement, servir pour conquérir le pouvoir, autant pour exercer ce pouvoir au mieux des intérêts de son peuple, l’on se doit de garder, en toutes circonstances, le sens de la mesure, l’esprit de responsabilité. Ceux qui ont soif de palabres et d’ennemis jurés pour avancer trouveront, dans le communiqué conjoint publié à la suite de la rencontre Diomaye Faye-Macron, les mots qui montrent que leur président a été traité avec respect, et que l’avenir de la relation se concevra dans un respect mutuel. Le Sénégal pourrait même en tirer de nouveaux avantages, certainement plus intéressants que les tensions permanentes, qui transforment peu à peu certains peuples du continent en parias, dans ce monde où plus aucun peuple ne se suffit à lui, tout seul.

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  • Coups d'État : quand le Kenya paie pour le Niger…
    Jun 15 2024

    La question que posent les putschs est celle d’un environnement répulsif, sinon malsain, avec des conséquences sur des peuples qui n'y sont pour rien.

    En fin de semaine dernière, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, relatait, dans l’auditorium de Chatham House, à Londres, la circonspection du président William Ruto du Kenya, découvrant que les taux auxquels son pays empruntait sur les marchés avaient sensiblement augmenté, parce que, dans leur évaluation, les agences de notation avaient intégré… le coup d’État survenu au Niger ! Comment est-ce possible ?

    Il arrive que, par excès de simplification ou par paresse intellectuelle, des agences de notations – et pas seulement elles – englobent dans une appréciation unique tout ce continent de cinquante-quatre États. William Ruto, a feint d’en rire, en indiquant que la dernière fois qu’il s’était penché sur la carte du Kenya, il n’y avait vu aucune trace du Niger.

    Cette forme de facilité coûte cher, puisque, selon le président de la Bad, citant le Programme des Nations unies pour le développement, des notations de crédit plus équitables permettraient aux pays africains de faire une économie d’au moins 75 milliards de dollars par an sur le service de la dette. Akinwumi Adesina a relevé l’anomalie de l’impact supposé du coup d’État au Niger comme preuve du type d’appréciation inéquitable qui justifierait la création d’une agence de notation africaine, un peu comme l’on prend un autre avis médical.

    Et voici que les peuples du continent, qui n’ont rien des avantages qu’auraient permis les États-Unis d’Afrique, en sont à payer pour les forfaits de putschistes d’autres États africains. Comme s’ils n’étaient qu’un même pays ! Allez donc savoir combien d’autres peuples subissent indirectement les conséquences de quelques putschistes lointains ! Et même si les agences de notation sont un regard de l’extérieur, l’on ne peut oublier que ce sont, ici, des Africains qui causent du tort à d’autres Africains.

    Certains vous rétorqueront que l’on devrait plutôt demander aux agences d’avoir un regard un peu moins biaisé sur l’Afrique…

    Il en est, certes, qui regardent l’Afrique comme un tout gangrené par les guerres, les rébellions, les épidémies, diverses calamités et tares, sans se soucier de savoir si, entre deux nations, même voisines, il peut y avoir des différences, des spécificités qui les rendent totalement dissemblables. Les Africains peuvent déplorer cet amalgame, ou s’en plaindre. Ils peuvent aussi questionner les mauvais comportements de certains Africains, avec de coûteuses répercussions sur d’autres Africains. Les choix sont simples : bien se tenir, dans l’intérêt de tous ou, sous couvert de souveraineté, faire ce que l’on veut chez soi, sans se soucier des conséquences pour les autres. Les panafricanistes d’antan auraient rappelé aux Africains du continent et de la diaspora qu’ils devraient, tous, être ambassadeurs, les uns des autres.

    Quant au regard des autres qui déplaît, ceux dont on sollicite les capitaux ont bien le droit d’avoir le leur sur ceux à qui ils prêtent. Et nul n’aurait invoqué les conséquences de coup d’État au Niger s’il n’y en avait pas eu. À l’Afrique, donc, de savoir ne pas se présenter sous son profil le moins avantageux. Et si la nécessité d’être correct devait être une injonction, elle n'émanerait que des Africains eux-mêmes, dans un monde où ils savent n’attendre de cadeau de personne. Tout cela n’aurait rien de déshonorant, dans la mesure où elle viserait à épargner à d’autres, les désagréments résultant d’actes inconvenants posés par certains. C’est cela, la responsabilité.

    Après tout, la création d’une agence de notation africaine, proposée par Akinwuini Adesina, vise à ce que l’Afrique ne soit plus jugée à travers le regard des autres. N’est-ce pas suffisant ?

    L’Afrique serait-elle plus attrayante ou plus attractive pour les capitaux, juste parce qu’elle se mirerait dans sa propre glace ? La question que posent les coups d’État est celle d’un environnement répulsif, sinon malsain. Pour attirer les investissements, de bonnes politiques et la respectabilité qui en découle sont bien plus sûres que les retouches cosmétiques, même dispensées par une agence africaine, qui devra se créer et conquérir, sur la durée, une crédibilité qui n'est en libre-service nulle part.

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  • Pourquoi ces peuples irrémédiablement divisés ?
    Jun 8 2024
    Former leurs concitoyens à apprécier et à décider par eux-mêmes, chaque fois que se jouent la paix civile et les libertés individuelles est, pour les dirigeants politiques, une impérieuse nécessité. Au Burkina, comme au Mali, les mouvements de grève, cette semaine, portaient sur le non-respect des lois, les décisions de justice et les atteintes aux libertés individuelles. Une partie de la population soutient fermement les militaires au pouvoir à Ouagadougou et à Bamako, mais l’autre, à son corps défendant, critique, à défaut de les combattre. Comment comprendre cette division, perçue comme une fracture entre franges irréconciliables d’une même nation ?Dans tous les pays où prévaut un certain pluralisme politique, et où chacun peut s’exprimer librement, de telles divisions s’observent. Et la société veille à ce que ces tensions, à force d’intolérance, voire de fanatisme, ne débouchent sur une guerre civile. Dans nombre d’États de notre Afrique francophone, le rapport d’avidité et de gloutonnerie qu’ont certains politiciens au pouvoir d’État complique les choses. Surtout lorsque, aux dépens de l’intérêt général, certains responsables utilisent la politique à des fins personnelles, de carrière ou de vie quotidienne, au mépris des conséquences, pour tous, de leur égoïsme. Il arrive même que certains, pour conserver à jamais leurs avantages et autres prébendes, en viennent à traiter leurs propres concitoyens en ennemis, à les accuser de traîtrise à la patrie, lorsqu’ils pensent différemment.À lire aussiMali: grève des banques et un appel à manifester de l'opposition non sans risqueDe tous temps, la tentation de ceux qui détiennent le pouvoir politique et en abusent dans certains pays d’Afrique a été d’interdire aux autres le droit de penser, dès lors qu’ils refusent de se joindre à l’enthousiasme de commande. Et certains de ceux qui, ici ou là, persécutent aujourd’hui, sont des individus qui ont, par le passé, connu eux-mêmes l’opposition, sinon l’oppression. Nul ne s’étonnerait si, demain, parvenu aux affaires, tel ou tel d’entre eux se mettait à persécuter à son tour.Serait-ce si facile de faire taire les opposants juste en les accusant de traîtrise à la patrie ? Tous ne se taisent pas, et certains le paient de leur liberté. Mais, de telles méthodes prospèrent souvent là où la population n’est pas suffisamment outillée pour résister à la manipulation. D’où la nécessité de l’éduquer. Pour avoir cru que l’effondrement des régimes autocratiques induisait, ipso facto, la floraison, partout, d’une démocratie consolidée, nombre de pays ont oublié de structurer l’éducation politique de leurs citoyens. Trois décennies durant, certains leaders ont même oublié de se cultiver à la démocratie. Comme si la seule proclamation du pluralisme politique propulserait, par miracle, les nations en démocratie. Toutes, aujourd’hui, se disent en démocratie, alors que la mentalité et les comportements n’ont jamais autant relevé de l’ère du parti unique. Comme en témoignent les contenus politiques sur les réseaux sociaux, avec leurs torrents de rancœur, d’acrimonie, d’injures et de haine. Sur la toile, certains peuples sont, de fait, déjà en guerre civile ! Et cela va bien au-delà du Burkina, du Mali et de quelques autres Etats en sortie de route constitutionnelle…Ces divisions n’ont-elles donc rien à voir avec les coups d’État ? Pas plus que les coups d’État constitutionnels perpétrés à longueur d’année, ici et là sur le continent, les putschs militaires n’aident pas à calmer les tensions. Mais les autres peuples auraient tort de se croire moins concernés que ceux sous le joug d’un pouvoir kaki. D’autant que ces tensions tiennent toutes à des calculs personnels, aussi bien de partisans que de détracteurs des pouvoirs en place. Le salut passera par la capacité des citoyens à préférer des dirigeants avec une hauteur de vue et beaucoup de probité morale, à ceux qui chercheraient à les manipuler. D’où l’urgence d’une éducation civique solide, pour prémunir les peuples les contre les politiciens aux agendas inavouables, qui voudraient, pour leurs intérêts du moment ou des privilèges à retrouver, les abuser.Aussi, dans un environnement surpeuplé comme jamais de laudateurs serviles et de détracteurs stériles, la responsabilité impérieuse des politiques est de former leurs concitoyens à apprécier et décider par eux-mêmes, chaque fois que se jouent la paix civile et les libertés individuelles.À lire aussiBurkina Faso: le pays classé en tête des plus graves crises de déplacés pour la deuxième année consécutive
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  • De nouveaux leviers, pour emprunter davantage?
    Jun 1 2024
    Accroître inconsidérément la capacité d’endettement de dirigeants qui se sont endettés pour faire la fête équivaudrait à une forme de non-assistance à peuples en danger... Aux assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, deux dirigeants africains ont suggéré cette semaine, à Nairobi, que l’on intègre les ressources naturelles dans le calcul du produit intérieur brut (PIB), pour accroître la capacité d’endettement des États. N’est-ce pas, là, une idée plutôt excellente, pour mobiliser davantage de financements en faveur des États africains ?Cette idée n’est pas nouvelle et pourrait, dans l’absolu, se comprendre. À condition de ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’endettement, avec des implications sur l’avenir. L’on ne peut donc pas dissocier ces nouveaux leviers de la fiabilité des dirigeants qui auront à en user, ni de l’usage qu’ils font des richesses de leur pays, ou de leur capacité d’endettement. L’on ne peut emprunter en oubliant que l’on devra, un jour, rembourser.Il est si facile, dans les grandes réunions continentales, de développer des idées flamboyantes, surtout avec des perspectives suffisamment lointaines pour que ceux qui les émettent ne soient plus là pour en répondre, le moment venu. Encore que l’on compte, en Afrique, quelques chefs d’État en place depuis plus de quarante ans, dans des pays qui se trouvent être, en plus, des producteurs de pétrole, sans pouvoir apprécier le bénéfice que tire leur peuple du festin de la terre. L’on ignore même à quoi a pu servir, ici ou là, leur endettement écrasant. Aussi, faut-il un certain courage, pour demander aux citoyens d’applaudir de nouveaux leviers pour accroître la capacité de tels dirigeants à emprunter sur les marchés.Tous finissent plus ou moins par rembourserJustement. Mais aucun créancier n’a jamais accepté comme moyens de paiement la liste des gaspillages, des détournements ou des biens mal acquis. Nombre d’États donnent en gage, pour des avances financières qui se déclinent parfois en années d’exploitation, les ressources dormant encore au fond des mines… Pour engranger des fonds, certains n’hésitent pas à céder les terres dans lesquelles dorment leurs ancêtres. Ne leur resterait-il donc plus, comme caution bancaire, que les forêts, les fleuves, les lacs, les rivières ? À quand donc l’air que respirent les populations ?Certes, tous ne brûlent pas d’envie de gager le passé, le présent et l’avenir, et il en est même dont la gouvernance est d’une rigueur admirable. Et quand on sait qu’il n’y a pas, sur terre, pays plus endetté que les États-Unis d’Amérique, première puissance économique mondiale, on imagine que l’endettement n’est pas nécessairement une calamité sans issue pour les États. L’on n’en est pas moins intrigué par les montants faramineux de la dette de certains pays, que n’expliquent ni leur faible niveau d’équipement ni les conditions de vie de leurs populations. Accroître inconsidérément la capacité d’endettement de tels dirigeants n’équivaudrait-il pas à une forme de non-assistance à peuples en danger ?L’endettement est pourtant d’une nécessité vitale pour tousLe bon usage de l’endettement aussi. En charge de la Dette, en Côte d’Ivoire dans les années 1980, le ministre Maurice Séri Gnoléba avait fait sensation dans l’enceinte du FMI, à Washington, en réagissant avec véhémence aux allusions offensantes à l’endettement de son pays : « Venez donc chez nous, avait-il dit, et vous verrez que nous ne nous sommes pas endettés pour faire la fête ! »Nul ne s’inquiéterait de voir offrir aux dirigeants du Botswana cette possibilité d’inclure les ressources naturelles dans le calcul de leur leur PIB, car ils sont sérieux et gèrent bien les richesses nationales. Mais, donner de nouveaux leviers d’endettement à des dirigeants qui se sont endettés pour faire la fête achèverait de compromettre l’avenir de peuples déjà trop vulnérables.À l’aube des années 1980, lorsque le Cameroun est devenu producteur de pétrole, le président Ahmadou Ahidjo refusait d’inclure la manne pétrolière dans le budget de fonctionnement de l’État, car, disait-il, le pétrole n’était pas le fruit du travail des Camerounais, mais juste une chance, tenant au hasard. Au Tchad, pour financer le pipeline qui permettra d’acheminer le pétrole du gisement de Doba à Kribi, au Cameroun, les institutions financières avaient imposé aux dirigeants tchadiens de réserver sur des comptes bloqués une part des revenus aux générations futures. Au bout de quelques années, Idriss Déby Itno, unilatéralement, a dynamité la tirelire, pour financer ses guerres, au nom de la sécurité de son régime.En Afrique, le meilleur et le pire du leadership, se côtoient sans cesse. Cherchez donc le pire !
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  • À jamais, le sphinx fait silence…
    May 25 2024
    Henri Konan Bédié a, toute sa vie durant, travaillé pour son pays, sans jamais être fonctionnaire. L’homme que pleurent les Ivoiriens était-il aussi exceptionnel que le disent les éloges ? En Côte d’Ivoire, les hommages à Henri Konan Bédié n’en finissent pas, et certains de ceux qui ont compté parmi ses pires détracteurs vantent aujourd’hui les qualités exceptionnelles de l’homme d’État qu’il était. Faut-il se réjouir de l’unanimité retrouvée autour de l’ancien président, ou sourire de l’hypocrisie de certains de ceux qui le pleurent, après ne lui avoir jamais fait aucun cadeau de son vivant ?Peut-être ont-ils compris à quel point il est vain d’exiger en permanence des autres d’être des héros parfaits, alors que l’espèce humaine cumule, à l’excès, imperfections, défauts et tares. Dans un monde où certains aiment prêter leurs propres mesquineries aux autres, le temps du deuil commande à chacun la décence de tempérer son intransigeance, pour juste apprécier si le bien fait par celui qui n’est plus peut suffire à racheter le mal qu’il a pu faire à son peuple, ou à rattraper les erreurs qu’il a pu commettre. Les superlatifs dithyrambiques que l’on déverse aujourd’hui devant la dépouille de Henri Konan Bédié sont peut-être l’expression de ce que ses concitoyens retiennent de sa vie publique, sans doute imparfaite, au regard de six décennies d’indépendance, avec, tout de même, cinq chefs d’État successifs.Les Ivoiriens l’appelaient « Le sphinx ». Était-ce pour ses silences, son calme ou les mystères qu’il emporte ?Pendant douze longues années, il a été président de l’Assemblée nationale et dauphin constitutionnel du président Houphouët-Boigny. Pour s’y être cru trop tôt, son prédécesseur dans cette position a été, politiquement parlant, subtilement exécuté. Bédié a su ne pas exaspérer un président qui pouvait, à tout moment, abréger cette espèce de viager politique. Depuis des années, il s’abstenait de parler publiquement. En janvier 1993, j’avais commis l’erreur de titrer un long portrait dressé de lui en introduction à une interview qu’il nous avait accordée à Jeune Afrique Économie : « Le sphinx parle. » Il n’était sphinx que par rapport aux douze années de prudence… Depuis, ses concitoyens l’appellent, à tout propos, « le sphinx de Daoukro ». Il parlait pourtant dans l’hémicycle !Il était calme et mesuré et, pour avoir beaucoup reçu de la vie, il n’a voir pas dû, comme certains, se battre violemment pour tout. Et il n’était pas prêt à tout pour parvenir à ses fins, et cela est plus que respectable. Né dans une famille de prospères planteurs de café et cacao, il n’a probablement jamais manqué de rien. Tout cela, ajouté à une éducation doublement princière, explique son assurance dans la vie, et la sérénité qui allait avec.À lire aussiHommage à Henri Konan Bédié en Côte d'Ivoire: début des cérémonies à la résidence de CocodyMais Henri Konan Bédié n’était pas d’une docilité parfaite. Le jeune homme qui défiera les lois ségrégationnistes aux États-Unis en allant déjeuner en 1960 dans les restaurants interdits aux Noirs rêvait de devenir avocat, alors que l’administration coloniale finissante l’avait programmé pour l’enseignement. Aussi, lorsqu’après le bac, en 1953, il est envoyé à l’École normale William Ponty, à Sébikotane, il prend bien le bateau pour le Sénégal, mais avec la ferme intention de déserter. Trois jours plus tard, avec une partie du pactole prélevé sur les revenus familiaux de café et cacao, il s’offre, à Dakar, un billet d’avion pour Paris. Destination : Poitiers, la ville de ses rêves estudiantins. Après une licence en droit, un diplôme d’études supérieures en droit et un autre en économie, puis le certificat d’aptitude à la profession d’avocat, il est rappelé, en 1958, comme sous-directeur de la Caisse de compensation et des prestations familiales dans une Côte d’Ivoire alors régie par la loi-cadre de Gaston Deferre. Six mois plus tard, il repartait pour un stage au Quai d’Orsay, puis un autre à l’ambassade de France à Washington, d’où, en 1960, il bascule au poste spécialement créé de chargé d’affaires de la Côte d’Ivoire indépendante. Il est à New York, pour présenter la candidature de son pays à l’ONU… Au cœur de l’Histoire, en somme.Pourquoi présente-t-on la visite de Félix Houphouët-Boigny à Washington, en 1962, comme déterminante dans sa carrière ? Pour sa part dans la réussite de cette visite. C’est à cette occasion que Houphouët-Boigny le présente personnellement à Robert Kennedy, ministre de la Justice dans l’administration de son frère John, en lui demandant de l’inviter en famille et de l’introduire au gotha économique et financier américain, « parce qu’il viendra un ...
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  • Bénin-Niger: la guerre du pipeline
    May 18 2024
    La crise entre le Bénin et le Niger est une conséquence lointaine du rendez-vous manqué de mai 1963, qui aurait dû engager le continent dans le sens des États-Unis d'Afrique. Qui n’existent même plus en projet. Voilà pourquoi certains dirigeants, au gré de leurs humeurs, écrasent leur peuple à huis clos et se jouent de la Constitution. Entre le Bénin et le Niger, on a frôlé une guerre économique. Pour vider le contentieux qui a failli paralyser l’exportation du pétrole du Niger, les deux voisins vont devoir entamer des discussions, grâce à la médiation chinoise. En attendant, le pétrolier en standby devrait exceptionnellement embarquer une première cargaison du brut nigérien au terminal de Sèmè Kraké.N’est-ce pas à toute l’Afrique de remercier la Chine ? Peut-être faut-il souligner que c’est avant tout dans son propre intérêt que la Chine tente de désamorcer ce qui aurait pu, en effet, être une crise continentale grave. Pour avoir financé les coûteuses infrastructures qui rendent le pétrole du Niger exploitable, les Chinois ne sont pas loin de s’en considérer propriétaires, et pour quelques longues années. La crainte d’une paralysante crise entre ces deux États leur était d’autant plus insupportable qu’ils ont dû étancher aussi une pressante soif de liquidités des nouvelles autorités de Niamey. Les incertitudes planant sur ces investissements ont exaspéré Pékin, et les États concernés vont découvrir la Chine sous un jour moins conciliant.À lire aussiLe Bénin donne son autorisation pour l'exportation ponctuelle de pétrole nigérienComme toujours, sur ce continent, chaque partie s’entête à imputer à l’autre les causes de ses malheurs, de ses déconvenues. Ainsi, s’empresse-t-on, ici et là, d’accuser le président du Bénin de vouloir nuire à la junte nigérienne, qui campe résolument sur son honneur, qu’elle assimile sans nuances à la souveraineté du peuple nigérien. Désespérante Afrique, où certains en viennent à oublier que la fierté des autres, en tant que peuple, peut ne pas être négligeable, par rapport à la leur. Les dirigeants béninois auraient-ils totalement tort de ne pas accepter d’être ignorés, sinon traités par le mépris, par les dirigeants d’un pays voisin qui fait transiter par leur territoire la principale richesse sur laquelle ils misent pour apporter le bonheur aux Nigériens ? Surtout que tous savent, d’expérience, que dans les mois et les années à venir, des Béninois mourront sur le trajet de ce pipeline, par imprudence ou par avidité, comme en témoignent les pipelines, au Nigeria, juste à côté ?Mais les Nigériens n’ont-ils pas le droit, pour des raisons sécuritaires, de garder leurs frontières avec le Bénin fermées ? L’on est plus dans la suspicion que face à des preuves tangibles. Comment expliquer que les frontières avec le Nigeria soient ouvertes, alors que le président du Nigeria était autrement plus virulent que son homologue béninois sur le projet d’aller déloger les putschistes à Niamey ? La vérité est que personne, à Niamey, n’oserait traiter le Nigeria par le mépris.Dans de nombreux villages, en Afrique, les maisons s’enchevêtrent d’une telle manière que, pour accéder à leur domicile, certains doivent parfois traverser la cour d’autres familles. La bienséance impose de saluer ceux dont, par nécessité, l’on viole ainsi l’intimité. En froid ou pas, on fait semblant de leur dire bonjour. Ou alors, on trouve un détour, plus long. Même dans certaines capitales, l’on est parfois obligé de passer ainsi par la maison des autres, pour atteindre la sienne. C’était le cas à la Briqueterie, quartier de Yaoundé, au Cameroun. C’est ce que l’on pourrait appeler la bienséance de l’interdépendance, et qui est aussi valable entre États…Serait-il donc interdit, sur ce continent, de se fâcher avec ses voisins ?Ce n’est pas là le problème. Et de telles crises n’existeraient pas si, en mai 1963, les dirigeants du continent avaient courageusement franchi le pas des États-Unis d’Afrique, au lieu de cette une union qui n’a cessé de fragiliser le continent. Cette balkanisation se nourrit de cinquante-quatre susceptibilités. Les États-Unis d’Amérique, ce sont cinquante États sans frontières et sans douanes entre eux, mais aussi une seule monnaie, et les gouverneurs, l’équivalent de nos présidents de la République, savent mettre ce qui les unit au-dessus des querelles d’égo. Le véritable drame de ce continent est que les États-Unis d’Afrique n’existent même plus en projet. Au nom de la fierté nationale, certains dirigeants écrasent leur peuple à huis clos et, au gré de leurs humeurs, se jouent de la Constitution.
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