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  • Mpox: l'Institut Pasteur de Dakar mobilise ses chercheurs pour éviter la propagation de la maladie
    Aug 28 2024

    Tenter de garder une longueur d’avance dans la détection de la maladie. Alors que les nombres de cas de mpox explosent en Afrique centrale, les autres pays du continent, notamment en Afrique de l’Ouest, veulent éviter que l’épidémie se propage chez eux. Pour leur permettre d’être plus efficaces dans la détection des cas, l’Institut Pasteur de Dakar organise toute la semaine des ateliers théoriques et pratiques avec des virologues et biologistes de 17 pays de la zone.

    De notre correspondant à Dakar,

    En blouse bleue, charlotte sur la tête, masqués et gantés, seize professionnels anglophones s’activent par groupes de quatre : « Bon alors pour commencer, que dit le protocole ? groupe 6, que fait-on ? Nous devons quantifier l’ADN. »

    Ce matin-là, ils découvrent une nouvelle méthode de travail avec l’analyse de ce qui compose précisément l’échantillon du virus. Le Dr Moussa Moïse Diagne, chercheur au pôle de virologie de l’Institut Pasteur de Dakar, est leur formateur : « Dans cette session, ils sont dans une phase de séquençage du virus, donc pour mieux appréhender les mutations et les différents variants qui peuvent émerger dans une population. Ainsi, ils peuvent mieux répondre aux différentes questions de recherche, mais également les questions qui pourraient être liées à la thérapeutique et aux interventions vaccinales. »

    Penchée au-dessus de plusieurs petits flacons, Dre Emma Ituru, de l’hôpital universitaire de l’État de Rivers, au Nigeria, prend toutes les étapes en notes : « Je n’ai jamais vraiment expérimenté le séquençage. C’est la première fois que j’y suis confrontée, donc je suis très heureuse d’être ici. À mon retour, je parlerai à mes collègues de ce que j’ai appris sur ce nouveau diagnostic. »

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    Une démarche en temps de crise sanitaire qui résonne particulièrement dans les murs du laboratoire et fait la fierté des équipes comme le rappelle le Dr Moussa Diagne : « C’est une des missions pasteuriennes, comme on dit, où on a comme credo d’intervenir, d’appuyer les populations, mais aussi de former. Ce qui va permettre de mieux encore démocratiser tous ces outils de diagnostic, de séquençage. Oui, une fierté, mais également la conscience que c’est absolument fondamental pour une meilleure réponse aux épidémies. »

    Dans un autre bâtiment de l’Institut, les échanges sont en français. Comme au temps du Covid, on évoque ici les prélèvements et les tests PCR. Dans cet atelier, il est davantage question de se remettre en jambe : indispensable pour Pépé Toguo Namou, biologiste venue de Guinée Conakry : « Oui, c'est important, ici on parle du monkeypox : nous sommes conviés ici pour essayer de réveiller un peu nos capacités afin de s’adapter par rapport au diagnostic du monkeypox. »

    Les quelque 30 professionnels participant aux ateliers regagneront ensuite leur établissement avec de nouvelles connaissances, mais aussi du matériel et des produits plus adaptés au nouveau combat contre la variole du singe qui s’annonce.

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    2 m
  • Ouganda: le basket fauteuil pour gagner en autonomie
    Aug 27 2024

    Jeux paralympiques de Paris 2024, jour J ! C’est ce soir du 28 août 2024 à partir de 20 heures qu’aura lieu la cérémonie d’ouverture. Quarante-quatre délégations africaines et plus de 300 athlètes du continent sont attendus pour ces Jeux. Parmi les handisports les plus connus, il y a le basket fauteuil (l'une des plus anciennes disciplines des Jeux paralympiques). En Ouganda, la pratique du sport a permis à de nombreuses personnes en situation de handicap d'améliorer leur condition physique, tout en créant une nouvelle communauté. Reportage.

    De notre correspondante à Kigali,

    Coup de sifflet pour marquer le début de match, et les joueurs rwandais et ougandais se précipitent sur le ballon… Parmi eux, Mark Kalibbala Giggs, l’un des basketteurs les plus expérimentés de l’équipe de Kampala. Engagé depuis plus de dix ans dans le handisport, d’abord pour améliorer sa santé :

    Étant blessé à la moelle épinière, je voulais être indépendant. Parce qu’au début, je ne faisais que rester chez moi, mais maintenant, après dix ans, je peux me pousser tout seul, je me sens en forme, et je suis toujours heureux, je n’ai plus de sautes d’humeur comme avant... C’est la santé mentale !

    À plus de 500 km de la capitale Kampala, Kevin Mubiru, 27 ans, participe pour la première fois à une rencontre amicale à l’extérieur du pays. Étudiant à l’université où s’entraîne l’équipe ougandaise, le sport fait depuis plusieurs années partie de son quotidien :

    Je me sens en vie… Et parfois, je prends même du temps le soir, j’ai un fauteuil de course que j’utilise et je vais courir pour que mon corps soit encore plus en forme. Donc quand je ne viens pas la journée sur le terrain, je vais m’entraîner, je vais courir ou je vais à la salle.

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    Une communauté solidaire

    Dans l’équipe, beaucoup s’entraînent ensemble depuis de nombreuses années. Kevin est l’un des joueurs les plus jeunes. Selon lui, le sport lui a permis de se rapprocher d’autres personnes en situation de handicap.

    C’est plus que du sport, c’est une communauté, une famille. On partage des idées, on est tous amis, si quelqu’un ne va pas bien, quand on est ensemble, on s’assure qu’il se sente comme à la maison. C’est comme ça qu’on se pousse vers le meilleur.

    Sans ligue nationale, avec seulement huit équipes dans le pays, les joueurs ougandais restent parfois plusieurs mois sans compétition. Sulaiman Mayanja, président de la fédération de basket fauteuil, reste optimiste sur le développement de la discipline :

    Dans ce pays, les gens ne reconnaissent pas encore vraiment le handisport. Il nous faut faire plus pour être visibles. Mais à travers les épreuves, nous ne sommes pas limités, nous ne sommes pas soumis à quoi que ce soit, nous voulons juste réussir et avancer.

    Fin du match amical… Dans le gymnase, les joueurs rwandais et ougandais se serrent la main. Le 28 août, les basketteurs suivront à la télévision le début des Jeux paralympiques, en espérant pouvoir, un jour, y représenter leur pays.

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    Tous nos articles sur les Jeux paralympiques sont à retrouver ici.

    Le programme et le calendrier des Jeux paralympiques est à consulter ici.

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    2 m
  • Portrait de Mike Sylla, créateur de mode qui habille stars et politiques
    Aug 26 2024

    Il a habillé des artistes (Carlos Santana, Yannick Noah, MC Solaar, Princess Erika…), mais aussi des personnalités politiques (Hassan II et l'actuel roi du Maroc Mohammed VI) : Mike Sylla a également organisé des défilés à travers le monde, y compris dans son pays d’origine, le Sénégal. Ce styliste amateur de la mode ethnique est également compositeur, musicien et slameur. Ce Franco-Sénégalais a passé plus de 30 ans à rassembler couleurs, signes et matières, en hommage à l’Afrique et à son quartier de naissance. Portrait.

    Né dans la Médina de Dakar, cet artiste global, aux multiples influences, est installé à Paris depuis 30 ans, mais ses œuvres demeurent imprégnées par ses origines et surtout ce quartier populaire où s’exprime la culture profonde de l’Afrique de l’Ouest.

    Je suis de ce milieu à Dakar, le quartier où je suis né, un quartier d’artisans artistes où la création est au centre de toutes les activités… J’avais toujours eu l’inspiration par mes parents, surtout mon père qui était forgeron, donc alchimiste. Il m’a toujours initié dans l’idée de l'art, de la création, et ça m’a aidé à m’ouvrir sur tout ce qui est style, tout ce qui est design, ça m’a ouvert aussi la porte à aller vers la couleur de l’art. Et tout ça m'a permis de vraiment approfondir mon sens de la créativité.

    Total art

    Depuis le début, il était évident pour Mike Sylla que la mode était une attitude, une tendance, de mettre donc l’Afrique au cœur de ses créations.

    L'Afrique est au centre de ma façon de créer un dialogue, une communication directe avec les gens. J'ai voulu symboliser tout ce qui est image et de le valoriser à travers l'art, donc pour moi, c'était aussi de donner la mode au sens art plastique, au sens d'anoblir cette matière qui est la peau. J’utilise beaucoup le cuir et les daims, qui sont des matières difficiles, de le prendre comme si c’était une toile, de pouvoir faire de l’art porté, de l’art libéré, qui est aussi démocrate parce qu’on fait véhiculer l’art dans la rue.

    Cet artiste multidisciplinaire défend l’idée du « Total art ». Sa ligne Baifall Dream, ou « rêve des couleurs », est l’expression de tous ces arts dont il est le concepteur. Une façon de magnifier la créativité, en donnant une autre dimension à la vie :

    L'idée du « Total art », c'est aussi de dire aux gens que l'art pourrait aussi soigner, aider. Ça peut aussi développer des émotions sur lesquelles on peut s'appuyer pour le mieux vivre. C’est ce que j’appelle le « Baifall Dream », qui est une façon en fait d’emmener à faire en sorte que la créativité soit au service de l’humain.

    Mike Sylla combine toujours le savoir à la mémoire pour créer des couleurs et des motifs assurant la singularité de chaque œuvre.

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  • RDC: à Lubumbashi, visite sonore du musée familial avec Marcel Yabili
    Aug 25 2024

    Il y a dix ans que la ville de Lubumbashi en RDC a vu naître une initiative privée de mémoire, c’est le musée familial Yabili, situé dans la commune populaire de Kamalondo, au sud-est de la ville. Ce lieu de mémoire propose aux visiteurs non seulement un voyage à travers les cinq générations de cette famille modeste, mais aussi quelques faits marquant de l’histoire de la RDC depuis l’époque d’avant la colonisation. Il est aussi un espace de recherche.

    De notre correspondante à Lubumbashi,

    Au numéro 1 de l’avenue Basanga de la commune Kamalondo, Marcel Yabili a transformé la maison familiale vieille de plus d’un demi-siècle en un lieu de mémoire.

    J’ai fait le musée, il montre le parcours de ma famille. Un parcours difficile à faire parce que vous racontez les secrets de la famille... Sans limite.

    L’exposition commence par des cartes de l’Afrique d’avant la colonisation. Une histoire qui rime avec celle de la famille de Marcel :

    Coté paternel, j’ai un grand-père qui est né en 1873. Il grandit et on arrive dans les années 1880, il avait environ sept ans et, à ce moment-là, il y a la pénétration arabe et l’esclavagisme.

    Une histoire de famille liée au prince Albert

    Et puis, il y a cette carte du Congo belge de 1909, année de la première visite au Congo du prince Albert.

    Sur le tronçon entre Lubumbashi et Kilwa, il avait un cheval et le grand-père Léonard travaillait dans les fermes. Et il était pris comme palefrenier pour brosser le cheval du prince Albert.

    Sur une autre façade sont affichées une dizaine des photos en noir et blanc des parents, enfants et petits-enfants. Victor, le papa Yabili et Albert, l’oncle maternel, sont posés côte à côte. Marcel explique l'origine du prénom de ce dernier :

    Victor et Albert ont un lien avec la guerre. Victor est né en 1916. C’était l’année de la victoire sur les Allemands et on a pu prendre le Rwanda, le Burundi jusqu'à la ville de Tabora. Et les enfants qui sont nés en 1916, on les a appelés Victor. Maintenant, en 1919, c’était l’armistice. Et c’est l’année où Léonard a son premier garçon. Il pensait toujours au prince dont il avait brossé les poils de son cheval, donc il l’appelle Albert.

    Des timbres sur la conquête spatiale

    En face de la maison familiale est construite une salle ouverte au public. Marcel Yabili poursuit la visite...

    Nous sommes à Audeta, c’est la deuxième partie du musée. Ici, c’est pour les autres familles et les expositions.

    Et en dix années d’existence, le musée a organisé plusieurs expositions dont on retrouve encore des extraits. Marcel se souvient des plus inédites :

    Je vous montre ici. Le Congo avait des timbres-poste et on avait fait des timbres sur la conquête spatiale en 1969. Il y avait donc ce certificat comme quoi le drapeau du Congo flotte sur la lune. Aussi, on a fait une exposition sur la filière du coton, parce que le Congo était le plus grand producteur du Coton, avec plus de 150 000 tonnes par an. Et là, on montre les journaux de 1919, etc.

    Ce musée familial regorge aussi bien des textes, des cartes que des éléments sonores, tant sur la ville que sur le pays.

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  • Au Tigré, les vétérans souffrent des séquelles de la guerre et manquent de soins [5/5]
    Aug 22 2024
    En Éthiopie, presque deux ans après la fin de la guerre civile, le Tigré fait toujours face à d’immenses défis. Le conflit, qui avait opposé les Tigréens au pouvoir central éthiopien, allié de l’Érythrée voisine et d’autres régions comme la région Amhara, a causé 600 000 morts, selon l'Union africaine, et des dizaines de milliers d’anciens combattants ont été gravement blessés. Vingt mois après l’accord de paix de Pretoria, leur sort constitue un vrai défi. De notre envoyé spécial, de retour de Mekele,Ce sont les éclopés, les handicapés, les gueules cassées du Tigré. Dans un hôpital de Mekele, Berhane Gebreselassie attend un médecin assis sur une chaise. À seulement 24 ans, il portera pour toujours, au plus profond de lui-même, les séquelles de la balle qu’il a reçue sur le front ouest. « J’ai été touché par un tir de l’armée fédérale ou des Amharas. On m’a amputé des deux testicules pour me sauver la vie. Maintenant, j’ai des problèmes d’incontinence, souvent, j'urine du sang. Parfois l’urine s’échappe dans l’intestin, causant de terribles douleurs, les médecins d’ici sont impuissants. Je dois aller à l’étranger. » Sans ressources, le jeune homme lance un appel à l’aide à quiconque l’entendra. Il a besoin d’argent pour se faire opérer à l’étranger. Cependant, il confie n'avoir aucun regret : « J’ai combattu pour mon peuple. Peut-être que j’aurai des enfants ou pas, ça ne m’inquiète pas. D’abord, je dois me faire soigner. »D’autres vétérans ont eu plus de chance. Après l’accord de paix, Berhan Atsmaa a déposé les armes. Ce pointeur-tireur sur mortier a ensuite retrouvé son poste de fonctionnaire aux douanes. Pour autant, la non-application de l’accord de paix entretient son amertume. « J’ai des regrets concernant l’accord de paix. Après tout ce que nous avons enduré, je vois que les déplacés ne sont toujours pas rentrés et le Tigré est en partie occupé par les Amharas et les Érythréens. Si notre terre n’est pas libérée, je suis prêt à me battre de nouveau. Même si je suis handicapé. » Ce vétéran souffre encore de séquelles de la guerre : « Je me suis battu pour la survie du Tigré. J’ai encore des éclats d’obus dans le corps. Lorsqu’il fait froid, mes muscles se contractent et j’ai très mal. Quand il fait chaud, le métal me brûle. »Les vétérans attendent de l'aide de la communauté internationaleMalgré ces difficultés, les anciens combattant tigréens n'attendent pas pour autant l'heure de la revanche, explique Mééraf Kassah, lui-même vétéran : « Nous n’avons pas besoin de revanche. Sinon ce sera un cycle sans fin. Ce qu’il nous faut, c'est la paix, pour revenir à notre ancienne vie. » Mais selon lui, la communauté internationale doit aider les anciens combattants à reprendre une vie normale : « Beaucoup de gens sont encore affectés et traumatisés. Or, ils ne reçoivent rien en échange de leur engagement. C’est vraiment triste. La communauté internationale devrait nous apporter une aide médicale. Notre gouvernement régional n’a pas assez d’argent. Tout ce qu’il peut faire, c’est alerter les partenaires étrangers. »À cela s’ajoute le fait que 250 000 anciens combattants détiennent encore des armes et les autorités tigréennes ont averti qu’il n’y aurait pas de désarmement tant qu’Amharas et Érythréens n’auront pas quitté le Tigré. Retrouvez les autres épisodes de notre série sur le Tigré ci-dessous :► Éthiopie: au Tigré dans un camp de Shire, les déplacés attendent de rentrer chez eux [1/5]► Éthiopie: au Tigré, l'économie est toujours à genoux [2/5]► Éthiopie: deux ans après la guerre civile, le Tigré a faim [3/5]► Éthiopie: à Mekele, la vie revient malgré les horreurs de la guerre [4/5]
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    2 m
  • Éthiopie: à Mekele, la vie revient malgré les horreurs de la guerre [4/5]
    Aug 21 2024

    Au Tigré, la guerre aurait provoqué 600 000 décès, selon l'Union africaine, dont un grand nombre durant ce que l’OMS avait dénoncé comme « un blocus de fait » de la région. Aucune aide n’était autorisée à entrer, médicaments, nourriture, et autres produits vitaux n'accédaient quasiment plus à la zone. Des milliers de personnes seraient mortes à cause des pénuries. Certains experts parlent même d’un possible génocide. Dans la capitale Mekele, deux ans après la signature de l'accord de paix, la situation s’est améliorée même si le quotidien des habitants reste très difficile.

    De notre envoyé spécial de retour à Mekele,

    Au marché Adi-ha, les camions arrivent chargés pour alimenter les étals. Même si on est loin du niveau d’avant-guerre, les clients comme Fetsum Hayilu sont soulagés que le blocus cauchemardesque appartienne au passé. « J’ai ressuscité. Durant le siège, il n’y avait pas de nourriture, pas d’école. J’ai pris du poids, mais à l’époque, vous ne m’auriez pas reconnu. Des gens amenaient des denrées jusqu’aux barrages et soudoyaient les soldats pour les faire entrer », témoigne-t-il. « Il m’arrivait de ne pas manger pendant 5 ou 6 jours. Ma femme est morte faute de médicaments. » Il constate un changement depuis la levée du blocus : « Aujourd’hui, il y a une petite amélioration. Mais l’inflation et le chômage sont très élevés. La vraie différence, c'est que je n’entends plus de combats. »

    Algaore Chmelku descend de son poids lourd. Il vient de faire cinq heures de route pour apporter son chargement d’oignons. Durant la guerre, venir jusqu’ici était impensable : « Aucune marchandise ne passait. Mais la situation s’est améliorée. Le transport est possible même si les ventes ne sont pas encore au niveau d’avant-guerre. »

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    Réparer la ville

    Trottoirs, maisons, routes, en de multiples endroits, les ouvriers s’activent pour reconstruire, rénover, réparer la ville. Yohannes Ataralti collecte des pierres sur un chantier. Pour lui, Mekele change, même si les progrès sont lents : « Les constructions sont surtout dans le privé. Ce ne sont pas encore des infrastructures. Mais j’espère que le Tigré redeviendra ce qu’il était. En tout cas, je donne toute mon énergie pour qu’on y arrive. »

    « Les gens recommencent un peu à s’amuser, même si les horreurs de la guerre les hantent encore »

    Ce soir, au Black Lion, les clients trinquent à leur vie retrouvée. La musique de ce bar populaire a remplacé le bruit des bombes. Dans un semblant de vie nocturne, Dessalegn Zeroa, musicien, s’apprête à donner un concert : « Pendant le siège, il n’y avait plus de vie nocturne. Je n’avais plus de revenus. Aujourd’hui, nous organisons des concerts payants et j’espère sortir un disque. Les gens recommencent un peu à s’amuser, même si les horreurs de la guerre les hantent encore. » Ainsi, il constate que l’ambiance de fête n’est pas totalement retrouvée.

    Si Mekele revit peu à peu, la situation sociale n’en est pas moins difficile. Les fonctionnaires n’ont, par exemple, pas été payés depuis 17 mois. « C’est une nouvelle punition contre les Tigréens. Nous avons fait des pétitions, une grève. Mais le gouvernement fédéral a menacé de nous licencier, dénonce Weldu Abraha, professeur d’histoire à l’université. Il craint une fuite des cerveaux, lui-même cherche à quitter le pays : « 220 enseignants sont déjà partis. On constate une hausse des vols, viols et kidnappings. On voit déjà des actes d’anarchie. » Inflation, chômage, l’accord de paix a fait taire les armes, mais la tension sociale risque de monter, sans réaction rapide des autorités.

    À lire aussiÉthiopie: deux ans après la guerre civile, le Tigré a faim [3/5]

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  • Éthiopie: deux ans après la guerre civile, le Tigré a faim [3/5]
    Aug 20 2024

    Presque deux ans après la signature d'un accord de paix en Éthiopie, le Tigré, dans le nord du pays, fait toujours face à d’immenses défis. Selon l'Union africaine, la guerre aurait provoqué 600 000 morts, sans compter un très grand nombre de destructions. Il y a plusieurs mois, les autorités tigréennes ont déclaré l’état de famine avec plusieurs centaines de morts. Une situation jamais reconnue par l’État central, à Addis-Abeba.

    De notre envoyé spécial de retour du sud de la province du Tigré,

    Les pluies arrivent et, dans leurs champs, les agriculteurs du village de Gurubera, dans le sud de la province du Tigré, poussent leur bétail afin de planter. Mais beaucoup doivent utiliser des ânes pour tirer la charrue. « La sécheresse a fait baisser le niveau de la rivière et des pâturages. On ne pouvait plus nourrir nos animaux, les personnes âgées ont commencé à mourir de faim. Nous avons dû vendre le bétail ou le remplacer par des ânes, explique Tekle Buru, cultivateur de 76 ans. Aujourd’hui, la terre est très sèche et la guerre a aggravé la situation. J’ai l’impression que Dieu nous punit à nouveau. » Tekle Buru a vu une dizaine de personnes mourir de faim et d’autres partir chercher du travail à Yechila, la ville voisine.

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    « Près de 300 enfants en malnutrition sévère »

    L’aide qui arrive est très faible : un peu de nourriture du district ou d’Action contre la faim, ou de l’argent de la diaspora. Rien d’autre. « La situation est critique. Les femmes enceintes ne mangent pas assez. Donc les nouveau-nés sont déjà très faibles et elles ne peuvent pas les nourrir, témoigne Gemaresh Amara, la responsable du centre de santé du village qui s’alarme de la situation. Près de 300 enfants sont en malnutrition sévère. Beaucoup sont envoyés à l’hôpital de Yechila. Mais là-bas non plus il n’y pas assez de médicaments, donc ils nous les renvoient. C’est un cycle de souffrances », se désole-t-elle.

    À plusieurs dizaines de kilomètres, des dizaines de patients attendent à l’hôpital de Yechila. Workit Alla est venu faire examiner sa petite-fille Mereseit, un an seulement et très amaigrie : « Le bébé est tombé malade. J’ai essayé la soupe, mais elle n’en veut pas. Elle avait une diarrhée avec du sang. Donc j’ai dû venir ici, confie-t-elle, nous avons très peu de nourriture. Les terres ne produisent pas assez et la guerre n’a fait qu’empirer les choses avec la mort de nos animaux. »

    Face à une telle situation, l’administration locale est impuissante. À Yechila, l’immeuble du district porte encore des traces de balles et d’explosions. « Le bâtiment a été bombardé. Nous sommes incapables de fournir des services de qualité. Nous dépendons des humanitaires, alerte Deseseu Tadessa, responsable des affaires sociales de la ville. Le système de transport s’est écroulé, entraînant une pénurie des livraisons de denrées et de médicaments. Puis s’est ajoutée la sécheresse. »

    Il pointe aussi du doigt le pouvoir fédéral d’Addis-Abeba : « Le gouvernement fédéral est censé gérer l’aide. Mais il ne fait rien. Je ne sais pas si c’est intentionnel. En tout cas, il ne répond pas à nos demandes de soutien. » Et il révèle que 13 villages aux alentours sont en situation de malnutrition. Or les récoltes n’auront pas lieu avant octobre, les prochains mois pourraient donc conduire au désastre.

    À lire aussiÉthiopie: au Tigré, l'économie est toujours à genoux [2/5]

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  • Éthiopie: au Tigré, l'économie est toujours à genoux [2/5]
    Aug 19 2024

    Presque deux ans après la fin de la guerre, le Tigré, dans le nord de l’Éthiopie, est toujours face à d’immenses défis. Le conflit avait opposé les Tigréens au pouvoir central éthiopien, allié de l’Érythrée voisine et d’autres régions comme la région Amhara. La guerre de 2020 à 2022 pourrait avoir fait 600 000 morts selon l’Union africaine. Des milliers d’entreprises et infrastructures ont été pillées, saccagées ou encore détruites. Malgré l’accord de paix, une très grande partie n’ont pas pu reprendre leurs activités.

    De notre envoyé spécial de retour de Hawzen,

    Jemal Abdelkadir jette avec dépit des morceaux de dalles brisées dans le sinistre hangar de Semayata Dimansional Stones. L’entreprise produisait du granit et employait 600 personnes. Presque trois ans plus tard, le site n’est toujours qu’un tas de gravats : « Les Érythréens ont emporté tout ce qu’ils pouvaient sur des camions. Ils ont dynamité une soixantaine de machines. Leur slogan, c’était : "Faire revenir le Tigré 100 ans en arrière". Aujourd’hui, je dirige une entreprise morte ou un musée. Mais nous allons relancer le site. Ils n’ont pas détruit nos esprits. »

    L’entreprise négocie avec une banque pour un prêt de 8 millions afin de relancer l’activité. Un vrai défi, d’autant que les taux d’intérêt sont passés de 9 à 13%.

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    À 50 kilomètres vers l’ouest, le collège technique Hawzen accueillait avant le conflit 280 étudiants. Certains cours ont pu reprendre, mais pour seulement 80 d’entre eux. Teklu Gebreyesus, chef des ressources humaines : « Les Érythréens ont tout volé. Nous avons repris les activités sans machine comme la comptabilité. Nous essayons de rattraper le retard en étudiant durant le week-end et les vacances. Mais les élèves ont des problèmes de dépression, ils n’ont plus d’espoir, c’est vraiment triste. »

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    Hawzen est aussi connue pour Gheralta Lodge, haut lieu du tourisme de luxe, face aux montagnes où avait séjourné l’ancien président américain George Walker Bush. Mais le site n’est plus que l’ombre de lui-même, explique Zeray Gebregiorgis, l’un des gardiens : « Les Érythréens utilisaient le lodge comme un camp et un hôpital. Ils n’ont rien laissé. Nous avons essayé de nettoyer, d’amener des meubles. Mais les rénovations coûtent 2 millions d’euros. Ça prendra du temps. Mais nous y arriverons. »

    Soudain, une famille d’Américains de la diaspora passe le portail. Aujourd’hui jeune femme, Naomie Assefa était venue ici durant son enfance. Voir le lodge dans cet état lui brise le cœur : « C’est fou de voir à quel point il a été détruit. Cet endroit était plein de joie et de vie. Tout cela a disparu. »

    Horrifié par la guerre, son père, Getachu, s’est alors lancé dans un pari fou. Investir 10 millions d’euros pour construire un parc d’attraction et un hôtel 5 étoiles à Mekelle, la capitale : « Les gens sont traumatisés. Je devais faire quelque chose d’important. Le projet apportera des emplois, des touristes. Ça aidera ces gens à guérir. »

    Ouverture prévue, début 2025. Getachu Assefa espère que la population pourra s’amuser et oublier, ne serait-ce qu’un temps, les horreurs du passé.

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